Dans
son sermon numéro 2, Maître Eckhart (1260-1328 ap. JC), un dominicain, maître
en théologie de l’université de Paris, utilise un passage de l’Évangile de Luc
(10,38) afin de montrer la disposition que doit avoir l’âme humaine afin
d’accueillir le Christ. Maître Eckhart traduit ainsi Luc 10,38 : « Jésus-Christ
monta dans un petit château fort et il y fut reçu par une vierge qui était une
femme »[1]. Pour lui, l’âme
humaine se doit d’être vierge afin de recevoir le Christ. Par virginité, il entend le détachement face aux choses de ce monde. Seulement, dans cette
condition, le Christ peut, lui, venir y habiter afin que l’âme vierge se
transforme en femme, car d’après Eckhart, il y fut reçu par une vierge qui
était une femme.
Pour Maître Eckhart, la virginité de l’âme se définit par la liberté par rapport aux choses, aux images, aux sensations et aux créatures. Cela permet de comprendre que cette vierge qui était une femme, signifie qu’elle était vierge par rapport à la création, au terrestre, mais qu’elle était femme par rapport au Christ, au céleste. Pourquoi est-ce que l’âme humaine doit être vierge pour accueillir le Christ? Car, le Seigneur est le plus doux des sons et la plus subtile des lumières.
Dans l’Ancien Testament, si Dieu se manifeste
accompagné d’éclair c’est pour signifier sa puissance, sa gloire et sa royauté.
Toutefois, dans le livre des Rois, on raconte l’histoire du prophète Élie,
qui eut ordre d’attendre la présence du Seigneur. Plusieurs phénomènes naturels
impressionnants se produisirent, mais il ne vit pas le seigneur dans ces
phénomènes. Finalement, ce fut dans un murmure doux et léger qu'il perçut sa
présence : « … il y eut un vent fort et violent qui déchirait les
montagnes et brisait les rochers : [mais] l'Éternel n'était pas
dans le vent. Et après le vent, ce fut un tremblement de
terre : [mais] l'Éternel n'était pas dans le tremblement de
terre. Et après le tremblement de terre, un feu : [mais] l'Éternel
n'était pas dans le feu. Et après le feu, un murmure doux et léger. Dès qu'Élie
l'entendit, il se voila le visage avec son manteau.. »[2]
C’est dans ce murmure doux et léger qu’Élie sentit la présence de
Dieu, et il suivit ce murmure. Un murmure doux et léger dans lequel sont contenues
la puissance, la gloire et la royauté du Seigneur.
Pour Maître Eckhart, la virginité de l’âme se définit par la liberté par rapport aux choses, aux images, aux sensations et aux créatures. Cela permet de comprendre que cette vierge qui était une femme, signifie qu’elle était vierge par rapport à la création, au terrestre, mais qu’elle était femme par rapport au Christ, au céleste. Pourquoi est-ce que l’âme humaine doit être vierge pour accueillir le Christ? Car, le Seigneur est le plus doux des sons et la plus subtile des lumières.
Mais pour
entendre ce murmure doux et léger, il faut que l’âme soit vierge et
libre. Car, comment peut-on entendre ce murmure si l’âme est occupée à milles
et une occupation ?
Dans la
Bible, on le voit souvent, des prophètes vont dans le désert afin d’y trouver Dieu,
ils y jeûnent et ils y prient. C'est à cet endroit que part Jésus afin de prier,
de jeûner, et c’est aussi à cet endroit qu’il y sera tenté. Car le désert c'est
l'absence. Mais pour la Bible, c’est dans cette absence qu'est caché le
souffle, la parole de Dieu.
Dans le
désert, la nuit, le ciel étoilé se manifeste. De tous les temps, ces cieux
furent liés aux divins. L’âme habitée par le divin est semblable à une nuit
peuplée d’étoile. Lorsque les activités et les préoccupations superficielles de
l’homme s’éteignent et que le vide se fait. Lorsqu'en son cœur, il se forme un
désert et que ses préoccupations s’éteignent. Le ciel éternel peuplé d’étoile
apparaît; expression éternelle, immuable et symbolique de l’infini, de la
sagesse et de la beauté de Dieu. Toutefois, il ne faut qu’une ville, telle Las
Vegas, apparaisse pour que ce ciel peuplé d’étoile, brillant délicatement et
subtilement, s’éteigne au profit des lumières nées de l’industrie, de
l'agitation et du désir des hommes. Ce n’est pas un hasard, si les hommes
perdent le goût du divin, du silence et de la beauté, à mesure que les villes
tissent leurs toiles lumineuses, voilant du regard des hommes le champ infini suspendu
au-dessus de leurs têtes.
Ainsi, afin
d’accueillir le divin, l’homme doit se créer une forteresse. On doit ériger un
rempart contre les agressions extérieures de la publicité, des réclames, des
excitations sensorielles artificielles, des passions, qui enchaînent l’âme, afin
que dans ce château, il puisse y avoir cette « vierge qui était une
femme ». À ce moment, Jésus pourra monter dans ce « petit
château fort ». Dans cet espace protégé par des remparts, le Christ pourra
y parler, et l’âme pourra s’y mouvoir librement et joyeusement, elle sera aussi
femme par la grâce de la présence du Christ. Ainsi, ce sera à l’extérieur de
ce château que se retrouveront les brigands, les violeurs, les
assassins et les mille séductions.
Il y a des
musiques qui nous permettent d’ériger des murailles, et d'aider à faire ce silence en nous, je pense spécialement aux chants
grégoriens et aux compositions d’Arvo Part.
Attaché à
ce billet : Arvo Part, « Spiegel I’m
Spiegel » (Mirroir dans un
Mirroir)
[1] Certains remarqueront que la traduction de
Maitre Eckhart est très différente de la bible actuelle. Je vais revenir sur l'histoire de cet extrait (Marthe
et Marie) dans un prochain billet. Pour l'instant, ne nous concentrons pas sur
la validité exégétique de la traduction d’Eckhart.
[2] 1 Rois 19:11
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