dimanche 30 octobre 2011

Le progrès sans faute: Le progrès technique


Le progrès technique
Dans un article publié dans le quotidien Le Devoir, Pierre Duhamel critique l’argument central d’un film intitulé Survivre au progrès, qui, d’après M. Duhamel, « nous annonce les pires catastrophes si nous n’arrêtons pas la course folle du progrès le film ».
http://www2.lactualite.com/pierre-duhamel/2011/10/19/le-progres-voila-lennemi/
Avant de commencer, j'aimerais débuter par un point faible au texte de M. Duhamel, c’est l’arrogance manifeste héritée pr bablement par une idéologie qui semble s'accorder avec l'air du temps.


À ce sujet, cette arrogance se manifeste intellectuellement par des raccourcis dans l'argumentation et par une certaine manipulation. La position de l’autre est rarement approfondie et comprise. Ces raccourcis apparaissent bien souvent dans les textes des idéologues des catégories de la gauche et de la droite.  Je vous invite à juger par vous-même en faisant abstraction de vos croyances.
Par exemple :
Selon le raisonnement des obsédés de la pénurie, faudrait-il conséquemment qu’on diminue par trois notre consommation dans les pays développés ? Ou que les habitants des pays émergents prennent leur mal en patience au nom de l’intérêt collectif ?
Ce discours culpabilisateur et pessimiste est dangereux. Notre économie recule de 0,5 % pendant une année de récession et c’est la panique. Le chômage se met alors à augmenter et la misère s’étend. Ce que l’on nous propose, c’est de provoquer nous-mêmes une telle situation, dans l’espoir de sauver la planète de nos propres excès. Un peu d’auto-flagellation avec ça ?
Nous y remarquons un procédé apte à frapper et à fasciner les esprits les plus faibles en les manipulant afin de les amener à vers son point de vue. Dans son texte, on introduit le paragraphe par une appellation péjorative (obsédés de la pénurie) et en créant un faux dilemme avec de faux éléments réponses, qui sont supposés reflétés la position de l’adversaire ainsi caricaturé. Nous manipulons ainsi les esprits des individus ne possédant pas les connaissances pour juger de façon éclairée ce qui devrait constituer un débat éclairé. Bref, ces raccourcis sont désespérants qu’ils proviennent du champ droit ou gauche, car ils obscurcissent un débat dans un domaine (le monde des idées) où les éléments doivent être clairs et bien définis.
Le texte
Avançons donc vers les arguments de M. Duhamel.
Ceux-ci tendent à montrer un progrès matériel, technologique et financier depuis les 200 dernières années.
Avançons donc vers les arguments de M. Duhamel. Ceux-ci tendent à montrer un progrès matériel, technologique et financier depuis les 200 dernières années.
Je vais indiquer certains éléments du discours de M. Duhamel, car à mon avis ils représentent plutôt bien les arguments les plus révélateurs de l’idée moderne du progrès.
1.       Argument économique
The Economist estime que presque 60 % de la population du globe fait dorénavant partie de la classe moyenne. Selon McKinsey, la nouvelle classe moyenne des pays émergents compte déjà presque 2 milliards de personnes. Leurs dépenses atteignent 6 900 milliards de dollars, un montant qui devrait presque tripler d’ici la fin de la décennie et représenter alors deux fois la consommation totale des États-Unis.

a.       Conclusion  «bonhomme sept heures »
Notre économie recule de 0,5 % pendant une année de récession et c’est la panique. Le chômage se met alors à augmenter et la misère s’étend. Ce que l’on nous propose, c’est de provoquer nous-mêmes une telle situation, dans l’espoir de sauver la planète de nos propres excès.
2.       Argument de l’espérance de vie
Entre 1950 et 1960, l’espérance de vie moyenne d’un être humain était de 47 ans. Il atteint aujourd’hui 69 ans. En Amérique du Nord, la longévité moyenne est passée de 69 ans à 81 ans pendant la même période.
3.       Argument Malthus 
En 1968, le Club de Rome arrivait à la conclusion que les réserves connues de pétrole seraient épuisées dès 1992. Sans même tenir compte des sables bitumineux, les réserves prouvées de pétrole ont augmenté de 46,7 % entre 1992 et 2010.
4.       Argument massue
Toujours pas convaincu ? Je vous lance un défi. Prenez vos clefs d’automobiles (les 2 si vous en avez deux) et votre téléphone portable. À trois, jetez-les dans les toilettes. Vous vous sentirez mieux  après avoir si magnifiquement contribué à la survie de l’espèce.
5.       Argument de Londre
En fait, on ne mesure pas l’immensité du progrès accompli. Entre 1730 et 1749, les trois-quarts des enfants londoniens n’atteignaient pas cinq ans.
L’explication proposéet la voie à prendre
Qu’est-ce qui explique cette formidable augmentation de l’espérance de vie ? Le développement économique a permis celui de la science et de l’hygiène, ce qui a rendu possible une baisse spectaculaire de la mortalité infantile. Les progrès de la médecine et le développement technologique ont aussi contribué à l’augmentation de l’espérance de vie, et ce, à peu près partout dans le monde. Il y a enfin le développement spectaculaire de la productivité agricole. Résultat : des centaines de millions de personnes se sont déjà sorties de la pauvreté, et des centaines de millions d’autres pourraient en faire autant au cours des prochaines années. Encore et toujours, ce satané progrès

Et les fameuses pénuries ? La technologie a fait des prodigues. La production de céréales est passée de 824 millions de tonnes en 1960 à 2179 millions de tonnes en 2010. C’est 2,6 fois plus.
Le progrès tue ? Non, le progrès sauve.


Prochain billet, le progrès économique

dimanche 23 octobre 2011

Le progrès sans faute!

Le progrès sans faute
“Oh, God of Progress
Have you degraded or forgot us?
Where have your laws gone?”
– “Come On! Feel The Illinoise!: The World's Columbian“ Sufjan Stevens

On parle beaucoup de progrès. On a même réuni un ensemble de préférence politique sous le nom de progressisme afin de les distinguer des  idéologies réunies sous le vocable de conservatisme. Ce qui me fait penser à un mot de G.K. Chesterton: « the business of Progressives is to go on making mistakes. The business of the Conservatives is to prevent the mistakes from being corrected. »
On emploie de façon populaire le mot progrès afin de décrire les transformations de la société imaginée selon un schéma ou nous partons du pire vers le mieux.
Cette définition populaire du progrès est héritée du 19ième siècle, sous l’influence principalement du libéralisme et du positivisme, on a cru que l’homme avançait en se libérant des ténèbres de la religion et de la superstition pour s’acheminer jusqu’aux pleines lumières de la raison. Le progrès technologique et l’implantation d’une administration publique gouvernementale montraient à tous la preuve que cette idée du progrès semblait juste; la rationalité triomphait. Cette croyance impliquait qu'un jour, nous arriverions dans un monde où le soleil raison brillerait sur l’humanité entière.
Une certaine interprétation populaire de la théorie de l’évolution a pu alimenter cette thèse. On a créé un schéma narratif à propos de l'histoire d’un poisson qui commença tranquillement à marcher sur terre pour ensuite passer d'un dinosaure à un l'état de singe, et qui ensuite about l’homme, tel que nous le connaissons. Je dois avouer que ce n’est pas une transcription fidèle de la théorie de l’évolution, mais l’essentiel du schéma narratif de l’idée populaire de l’évolution indique qu’il y un but à l’évolution, donc un progrès. Pourquoi est-ce que je souligne que c’est l’interprétation populaire? Car, dans son aspect scientifique, la théorie de l’évolution n’indique pas qu’il y a un but ou que l’évolution est dirigée. Les espèces qui survivent sont juste les mieux adaptées à leur environnement.
Jusqu’à ce moment, le terme progrès fait référence à une marche vers un but. C’est sensiblement le sens de la racine latine du mot progrès : progressus, qui signifie action d’avancer.  L'ancienne idée du progrès malgré son absence de métaphysique semblait correspondre au schéma chrétien de la marche de la société vers la nouvelle terre et la nouvelle Jérusalem. On avance. Mais, est-ce qu’on avance vers un but? Ou à la manière de Nietzsche, on est dans un éternel devenir qui sera appelé à toujours se transformer et qui ne se dirige vers aucun but.
Le temps présent est rempli du bruit provenant des différentes conceptions de l'homme pour qu'on puisse apercevoir une croyance aussi forte que le positivisme du siècle passé.
Toutefois, ne nous attardons pas sur les définitions philosophiques du progrès, je n’ai pas l’esprit assez robuste pour cela. Mais, penchons-nous vers la conception contemporaine du progrès.
Prochain billet: Progrès économique, technologique et humain à partir d'un texte de Pierre Duhamel.

jeudi 8 septembre 2011

Le rôle de la femme au Moyen-âge

Vision d'Hildegard - Codex Scivias (1174)
Si l'article Wikipédia est vrai (vive l'information immédiate), notre vision négative du rôle de la femme au Moyen-âge viendrait plutôt de l'époque classique antique suivant le Moyen-âge.  Le Moyen-âge est réellement une époque fascinante. Mais avant de poursuivre, une question : l'époque classique n'est-il pas une période de décadence de l'ancien Moyen-âge? 

"Peu d'études ont été faites sur le statut de la femme au Moyen Âge en France. L'image de la femme confinée à la sphère domestique et à l'éducation des enfants relève plus d'une idée préconçue que d'une réalité vraiment connue ou étudiée sérieusement. Ce que nous savons des femmes vient de celles qui ont exercé un artisanat ou travaillé en collaboration avec leur homme. Des lettres de famille font un rapport des mariages qui étaient des partenariats affectueux. Selon l'historienne Régine Pernoud, il semble important de sortir des caricatures qui caractériseraient la condition des femmes au Moyen Âge comme la pire. En effet, il s'avère, par exemple, qu'elles possédaient le droit de vote (dans les assemblées). Leur domaine s'est peu à peu confiné et réduit à la sphère domestique avec l'avènement de la culture classique antique. Auparavant, elles avaient un réel rôle social et une vie professionnelle. N'oublions pas que les reines aussi étaient couronnées par l'archevêque de Reims et qu'elles avaient leur autorité reconnue dans la sphère politique. Marie de Médicis fut la dernière reine couronnée. C'est plus tard que les reines seront complètement exclues de la sphère politique, à l'époque classique. Rappelons-nous que les femmes n'ont pas toujours été écartées du trône au Moyen Âge. La première disposition en ce sens est prise par Philippe le Bel. Progressivement, les religieuses aussi se sont vues cloîtrées, mais cela n'a pas toujours été le cas au Moyen Âge. Certains abbesses avaient au Moyen Âge autant de pouvoir que certains seigneurs. Le rôle des femmes semble diminuer avec la montée de l'influence du droit romain qui ne leur est pas favorable et cette tendance se poursuivra avec la Renaissance. L'étude des actes notariés est une grande source pour comprendre et décrypter le statut des femmes; ceux-ci montrent qu'elles ont possédé une plus grande autonomie qu'on ne l'imagine. Ainsi le statut de la femme autant dans la société civile qu'ecclésiastique semble se modifier au XIIIe siècle. C'est seulement au XVIe siècle qu'un arrêt du Parlement de 1593 écarte explicitement les femmes de toute fonction de l'État."

Source: Wikipédia

mercredi 22 juin 2011

Voyage en Turquie : Retour



C’est le retour d’un grand voyage qui a duré près de 4 semaines en Turquie. Retour difficile à la vie prosaïque; celle pétrie d’une routine oubliée lors du voyage. J’espère recommencer à écrire régulièrement sur ce carnet. Pour l’instant, je publie certaines photos qui furent légèrement modifiées avec photoshop.
Près de Sultanahmet Camii

Sultanahmet Camii (Intérieur)



dimanche 20 mars 2011

2e Méditation du carême : La tentation de Jésus au désert

Mathieu 4, 1 : La tentation de Jésus au  désert  (Lc 4, 1 et Mc 1,12)
Christ in the desert - Maria Laughlin
http://marialaughlin.blogspot.com/
Jésus poussé par l’Esprit Saint est amené au désert, où il y jeûnera pendant 40 jours.  Après les 40 jours, le Tentateur s’avança et le soumit à l’épreuve par trois fois :

1.       « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. » Mais Jésus répondit : « Il est écrit : Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »
2.       « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu. »
3.       « Tout cela, je te le donnerai, si tu te prosternes pour m'adorer. » Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan! car il est
écrit : C'est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, et c'est lui seul que tu adoreras. »

 « Si tu es le Fils de Dieu… »
Jésus ne répond pas qu’il est ou qu’il n’est pas le Fils de Dieu.  Jésus se place à un autre niveau. Le Tentateur en disant à Jésus « si tu es le Fils de Dieu » essaie d’éveiller l’orgueil de Jésus. Celui-ci répond à chaque fois par une phrase de l’Ancien Testament, il n’accepte pas ni ne refuse le défi. Il se place tout simplement à un autre niveau. Comme un adulte à qui un enfant lui dirait qu’il est incapable de faire une telle chose.
Si Jésus avait accepté le défi du Tentateur, il montrerait que son orgueil a été atteint. En répondant par un passage de l’Ancienne Alliance, il se place avec humilité en obéissance face à Dieu le père.

« Tu n’es pas un homme si tu ne sautes pas par-dessus le ravin » 

C’est ainsi que vous pourriez lancer un défi à un compagnon : « « Tu n’es pas un homme si tu ne sautes pas par-dessus le ravin». En excitant l’orgueil de votre ami, vous espérez le voir sauter par-dessus le ravin. Les enfants se lancent des défis comme un jeu.


À la manière de Jésus, ne vous laissez pas avoir par l’orgueil lors du carême. Nous sommes poussière et nous retournerons poussière. Nous sommes tel un arbre, sans le soleil nous serions et nous resterions terre et poussière. Nous ne faisons pas ce carême afin de nous prouver que nous en sommes capables. Le principe et l’objectif de notre carême sont religieux et métaphysique. Le carême n’est pas une compétition, mais un acte de contrition volontaire.  C’est parce que nous croyons qu’il y a trop de bruits en nous que nous jeûnons. C’est que nous croyons que nos animaux intérieurs ravagent notre âme que nous jeûnons. Nous jeûnons aussi parce qu’en nous, il n’y a pas assez de place pour que la grâce de Dieu soit agissante. Nous jeûnons de multiples manières afin que notre attention et notre volonté se portent plus facilement sur la prière et la charité. Il n’y a pas que le jeûne de nourriture; il y a le jeûne médiatique, le jeûne sexuel et d’autres jeûnes sensoriels.


Finalement, ce temps du carême voulu par l’Église doit être aussi vu comme une période propice au travail sur soi. Les activités liturgiques, la lecture quotidienne des évangiles créent un cadre propice au travail sur nos habitudes.


Que ce jeûne puisse nous éveiller à de nouvelles réalités christiques.

samedi 12 mars 2011

Méditation pour le Carême : Isaïe 58 (Extraits)


Gustave Doré (La Bible Illustrée)

Depuis mercredi, les chrétiens sont entrés dans le temps du carême, à ce moment les chrétiens imitent le jeûne de 40 jours de Jésus avant dans le désert afin que nous puissions nous préparer à la Pâque chrétienne.

Selon le Dictionnaire du Nouveau Testament, le jeûne est équivalent à « humilier son âme ». Il faut comprendre que le jeûne ne doit absolument pas être vu comme une pratique de performance. Nous ne devons pas jeûner pour nous prouver que nous sommes capables de ne pas avoir besoin de nourriture pendant une journée, tout comme nous ne devons pas approcher le jeûne afin d’aider son apparence physique. Il faut éviter l’état d’esprit propre à la performance sportive. Tout comme nous devons éviter le strict ritualisme lorsque nous jeûnons. Nous ne devons pas jeûner, car l’Église nous le demande, mais nous devons le faire, car notre cœur a soif et faim de Dieu et de sa justice. Bref, le jeûne doit être fait avec un esprit de contrition et d’humiliation. C’est pourquoi que Saint Pierre Chrysologue pût dire : « Notre jeûne a froid, notre jeûne défaille, si la toison de l'aumône ne le couvre pas, si le vêtement de la compassion ne l'enveloppe pas. »

L’extrait que j’offre pour la méditation correspond à la troisième partie du livre d’Isaïe, qui a été écrit vers 530 av J-C. Lorsque la troisième partie a été écrite, les juifs reviennent par vague successive à Jérusalem à la suite de leur libération de Babylone. Mais, depuis leur exil à Babylone, les choses ont changé à Jérusalem. Certains juifs ont importé des idoles d’autres peuples, il y a aussi des non-juifs installés en Judée, d’autres Juifs reviennent et voient que leurs terres ont été prises par d’autres. Bref, les temps sont à la division dans la Cité et les scandales sont nombreux. C’est dans ces conditions qu’écrit l’auteur. Ainsi, méditons sur le jeûne avec l’aide du Prophète Isaïe :

La voie du Seigneur : « le jour où vous jeûnez, vous savez bien trouver votre intérêt, et vous traitez durement ceux qui peinent pour vous. Votre jeûne se passe en disputes et querelles, en coups de poings sauvages. Ce n'est pas en jeûnant comme vous le faites aujourd'hui que vous ferez entendre là-haut votre voix.

Est-ce là le jeûne qui me plaît? Est-ce là votre jour de pénitence? Courber la tête comme un roseau, coucher sur le sac et la cendre, appelles-tu cela un jeûne, un jour bien accueilli par le Seigneur ?
Quel est donc le jeûne qui me plaît ? N'est-ce pas faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ?
N'est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, recueillir chez toi le malheureux sans-abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ? Alors, ta lumière jaillira comme l'aurore, et tes forces reviendront rapidement. Ta justice marchera devant toi, et la gloire du Seigneur t'accompagnera. Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries, il dira : « Me voici. »
Si tu fais disparaître de ton pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante, si tu donnes de bon cœur à celui qui a faim, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi. Le Seigneur sera toujours ton guide. En plein désert, il te comblera et te rendra vigueur. Tu seras comme un jardin bien irrigué, comme une source où les eaux ne manquent jamais. Tu rebâtiras les ruines anciennes, tu restaureras les fondations séculaires. On t'appellera : « Celui qui répare les brèches », « Celui qui remet en service les routes ».

Avec la tragédie actuelle au Japon, prions afin que les victimes du tremblement de terre gardent espoir malgré la détresse. 

jeudi 10 février 2011

Simone Weil: La force et la justice


Il me manque du temps pour écrire ces jours-ci, mais je vous laisse ce texte pour réflexion.

Dans l’Enracinement, la philosophe Simone Weil utilise ce passage du Mein Kampf d’Hitler afin de montrer ce qu’implique une conception du monde dont la force est souveraine :


Hitler écrit:
 «l'homme ne doit jamais tomber dans l'erreur de croire qu'il est seigneur et maître de la nature…Il sentira dès lors que dans un monde où les planètes et le soleil suivent des trajectoires circulaires, où des lunes tournent autour des planètes, où la force règne partout et seule en maîtresse de la faiblesse, qu'elle contraint à la servir docilement ou qu'elle brise, l'homme ne peut pas relever de lois spéciales ». (Mein Kampf – Hitler)

Elle y répond :
 « Hitler a très bien vu l'absurdité de la conception du XVIIIe siècle encore en faveur aujourd'hui, et qui d'ailleurs a sa racine dans Descartes. Depuis deux ou trois siècles, on croit à la fois que la force est maîtresse unique de tous les phénomènes de la nature, et que les hommes peuvent et doivent fonder sur la justice, reconnue au moyen de la raison, leur relations mutuelles. C'est une absurdité criante. Il n'est pas concevable que tout dans l'univers soit soumis à l'empire de la force et que l'homme y soit soustrait, alors qu'il est fait de chair et de sang et que sa pensée vagabonde au gré des impressions sensibles. Il n'y a qu'un choix à faire. Ou il faut apercevoir à l'œuvre dans l'univers, à côté de la force, un principe autre qu'elle, ou il faut reconnaître la force comme maîtresse et souveraine des relations humaines aussi. 

La force n'est pas une machine à créer automatiquement de la justice. C'est un mécanisme aveugle dont sortent au hasard, indifféremment, les effets justes ou injustes, mais, par le jeu des probabilités, presque toujours injustes. Le cours du temps n'y fait rien ; il n'augmente pas dans le fonctionnement 

de ce mécanisme la proportion infime des effets par hasard conformes à la justice.

Dans le premier cas, on se met en opposition radicale avec la science moderne telle qu'elle a été fondée par Galilée, Descartes et plusieurs autres, poursuivie au XVIIIe siècle, notamment par Newton, au XIXe, au XXe. Dans le second, on se met en opposition radicale avec l'humanisme qui a surgi à la Renaissance, qui a triomphé en 1789, qui, sous une forme considérablement dégradée, a servi d'inspiration à toute la IIIe République.


Si la force est absolument souveraine, la justice est absolument irréelle. Mais elle ne l'est pas. Nous le savons expérimentalement. Elle est réelle au fond du cœur des hommes. La structure d'un cœur humain est une réalité parmi les réalités de cet univers, au même titre que la trajectoire d'un astre
.» (Simone Weil - L'enracinement)

jeudi 27 janvier 2011

Nietzsche : L’humanisme athée


Nietzsche : L’humanisme athée

« Après la mort de Bouddha l’on montra encore pendant des siècles son ombre dans une caverne – une ombre énorme et épouvantable. Dieu est mort : mais, à la façon dont sont faits les hommes, il n’y aura peut-être encore pendant des milliers d’années des cavernes où l’on montrera son ombre. – Et nous – il nous faut encore vaincre son ombre. »
Aphorisme 108 (Le Gai Savoir) – Nietzsche

« Un humaniste croit volontiers au message d'amour et de paix d'un homme appelé Jésus, mais pas à sa nature divine ni aux circonstances entourant sa conception et sa naissance […] Bien qu'il ait rejeté toute croyance fondée sur des dogmes ou la révélation divine, l'humaniste n'en proclame pas moins la grande dignité de l'homme et reconnaît sa responsabilité sociale. Les célébrations humanistes […] sont l'expression d'une vision optimiste du monde éclairé par la science et la raison, d'un monde tolérant qui se construit sans le recours à des entités surnaturelles et dans le respect des plus hautes valeurs morales. […]Oui, une spiritualité athée existe bel et bien. »  La spiritualité athée existe (Le Devoir) – Jean Délisle

«  Si Dieu n'existe pas, [...] Alors tout est permis ?» Les frères Karamazov de Dostoïevski

Dans une lettre adressée au quotidien Le Devoir, Jean Délisle,  mentionne que le message d’amour et de paix de Jésus n’est pas la propriété exclusive des chrétiens, et que plusieurs humanistes athées croient aussi volontiers à ce message, tout en niant la nature divine de Jésus, donc en la possibilité d’une vérité qui est  transcendante. Nous pourrions nous demander s’il est cohérent de croire au message de Jésus, malgré le reniement de sa divinité?

À ce propos, je soulignerais l’aphorisme 125 du Gai Savoir de Nietzsche qui souligne le caractère radical de la mort de Dieu : « Qu'avons-nous fait lorsque nous avons détaché cette terre de la chaîne de son soleil? […] Loin de tous les soleils? Ne tombons-nous pas sans cesse? En avant, en arrière, de côté, de tous les côtés? Y a-t-il encore un en haut et un en bas? ».

Comme expliqué dans mon billet précédent, Nietzsche souligne aux athées que la mort de Dieu amène la fin de tous les référents transcendants, et particulièrement tous ceux hérités du christianisme. Sans un absolu, il n’y a pas de conception absolue de la morale. Ceci ne veut pas dire que les athées ne sont pas moraux, comprenons-nous bien, mais que toute morale se réduit légitimement aux sensibilités de l’individu. C’est pourquoi que l’athéisme humanisme est un projet esthétique, déterminé par les inclinations des individus dans lesquelles ils baignent. L’humanisme de M. Bélisle n’ayant aucune fondation métaphysique pour la soutenir, elle aboutit par sa logique ne peut que se transformer en une monstruosité morale. Les valeurs chrétiennes en perdant leurs référents métaphysiques ou révélés sombrent dans le subjectivisme et le particularisme. Étant donné l’absence d’axe vertical universel pour classer les idéaux moraux, l’athéisme mène alors au relativisme moral. 

Il est vrai que l’humaniste peut croire en la paix. Mais en quelle paix croira-t-il? Il peut croire en la justice. Mais en quelle justice croira-t-il? La paix et la justice lorsqu’elles sont fondées sur une tradition chrétienne ne sont pas laïques, elles portent l’individu entier vers les cieux. La conception chrétienne de la paix et de la justice ne peut être séparée de son principe, qui est le christ. Comment un athée peut-il croire en la charité sachant que celle-ci repose sur une conception chrétienne de l’homme et de l’amour? Toutes ces vertus demeurent chrétiennes, et sans le Christ elles deviennent folles. C’est pourquoi que G.K. Chesterton écrivait: « The modern world is full of the old Christian virtues gone mad. The virtues have gone mad because they have been isolated from each other and are wandering alone ». Car sans leur principe toutes ces vertus ne font plus de sens.

Nous pouvons constater l’impact de la subjectivité dans le langage commun par les difficultés liées aux définitions; on occultera l’intégralité paradoxale de l’expérience humaine et notre langage reflétera les particularités de nos perceptions individuelles. Ainsi,  un tel s’exprimera sur la paix, mais sa paix ne se réduira qu’à son élément politique et oubliera les autres aspects de la paix. Un autre parlera de cette paix intérieure, mais il oubliera les combats politiques nécessaires afin de combattre l’injustice et la pauvreté. Bref, les mots seront définis par les particularités. Chacun pourra choisir son language selon sa lunette idéologique et académique (économie, politique, sociologique, etc).

Dans un monde humaniste athée, nos croyances se modèlent ainsi en fonction de nos sensibilités. Comment pouvons-nous alors ordonner les différentes valeurs morales s’il n’y a rien autre que des sensibilités individuelles? À moins qu’un humaniste athée veuille bien décréter un dogme humaniste pouvant servir de référent quasi constitutionnel! Ce qui éliminerait la nécessité de discuter sur du néant!

Bref, malgré la noblesse de l’humanisme athée de M. Bélisle, son projet demeure naïf. L’athéisme en reniant toute transcendance, exclut toute évaluation verticale légitime et laisse la porte ouverte à plusieurs interprétations d’un même concept selon les inclinations particulières. La conséquence c’est que les choix moraux en viennent à être soumis exclusivement à une idéologie, que celle-ci soit de type utilitariste, sentimentaliste, matérialiste, patriotique, etc.  Ces idéologies deviennent à être le fond idéologique à travers lequel on définit le "gros bon sens". Ainsi, en Amérique du Nord le fond neutre collectif se retrouve à être un mélange d'utilitarisme, de libéralisme et de rationalisme. C'est seulement sur cette base que peut se créer une discussion collective. D'où pourquoi que la politique nord américaine se retrouve de plus en plus départagée entre libéraux et conservateurs. Les deux s'entendent sur les mêmes objectifs (qui sont déclarées universelles et neutres), mais pas sur les moyens.

L’humanisme athée en niant les fondations sur lesquelles reposent les idéaux chrétiens les détruits. Il peut bien accorder du crédit à ces idéaux, en toute objectivité, ils demeurent, dans son paradigme qu’un choix parmi tant d’autres.


Afin que la substance des valeurs auxquelle on réfère ne se perd pas, il nous faut un dogme. L’Église Catholique se déclare héritière de la parole de Dieu à travers l’écriture, la tradition et l’esprit.  L'obligation de son universalité l'oblige à prendre en compte l’expérience universelle de l'humain afin de proposer une vision cohérente de la place de l'homme dans la création. En ce moment, elle l'une des rares institutions à être en mesure de donner un projet de vie global tout en respectant la personne humaine dans son intégralité.

samedi 8 janvier 2011

Niezsche: Commentaire sur l'Insensé (Aphorisme 125)

Le gai savoir : L’insensé (Friedrich Nietzsche)
« Où est allé Dieu ? s'écria-t-il, je veux vous le dire ! Nous l'avons tué, — vous et moi ! Nous tous, nous sommes ses assassins ! Mais comment avons-nous fait cela ? Comment avons-nous pu vider la mer ? Qui nous a donné l'éponge pour effacer l'horizon ? Qu'avons-nous fait lorsque nous avons détaché cette terre de la chaîne de son soleil ? Où la conduisent maintenant ses mouvements ? Où la conduisent nos mouvements ? Loin de tous les soleils ? Ne tombons-nous pas sans cesse ? En avant, en arrière, de côté, de tous les côtés ? Y a-t-il encore un en-haut et un en-bas ? N'errons-nous pas comme à travers un néant infini ? Le vide ne nous poursuit-il pas de son haleine ? Ne fait-il pas plus froid ? Ne voyez-vous pas sans cesse venir la nuit, plus de nuit ? Ne faut-il pas allumer les lanternes avant midi ? N'entendons-nous rien encore du bruit des fossoyeurs qui enterrent Dieu ? Ne sentons-nous rien encore de la décomposition divine ? — les dieux, eux aussi, se décomposent ! Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! » (Le Gai Savoir)

Psaume 14 (La Bible)
« L'insensé dit dans son cœur: " Il n'y a point de Dieu!..»

L’aphoriste 125 du Gai savoir de F. Nietzsche, dans sa traduction française, est presque une musique. Avec ses brèves questions et ses courtes affirmations, Nietzsche souligne le caractère dramatique et catastrophique de la mort de Dieu.  L’insensé avec sa lanterne allumée en plein midi crie sur la place publique, au milieu des badauds, qu’il cherche Dieu : « Je cherche Dieu! Je cherche Dieu! ». L’Insensé cherche Dieu, car il est celui qui veut créer une nouvelle étoile, il n’est pas insensible à la mort de Dieu. L’Insensé s’inquiète du nihilisme qui peut survenir. Mais voilà que la foule le regarde étonné, c’est alors qu’il saute au milieu de la foule, comme un prophète, et, à ceux qui se moquaient de lui, il leur dévoile que Dieu est maintenant mort, et que c’est nous (comprendre l’Insensé et ses compagnons) qui l ont tué.


Dans cet extrait, Nietzsche s’adresse certainement à ses compatriotes athées ou matérialistes, qui connaissent la mort de Dieu, et leur montre la conséquence de cette mort de Dieu : « … lorsque nous avons détaché cette terre de la chaîne de son soleil? Où la conduisent maintenant ses mouvements? Où la conduisent nos mouvements? Loin de tous soleils? Ne tombons-nous pas sans cesse? En avant, en arrière, de côté, de tous les côtés? Y a-t-il encore un en haut et un en bas? … Dieu est mort! Dieu reste mort! »  Cependant, les gens s’étonnent du discours de l’insensé. C’est alors que l’insensé jeta à terre sa lanterne, qui se brisa, et déclara à propos de ses compatriotes que « cet acte-là est encore plus loin d’eux que l’astre le plus éloigné – et pourtant, ce sont eux qui l’ont accompli! ».

D’après cet aphorisme, les hommes n’ont pas compris les conséquences de la mort de Dieu. Ses contemporains le regardent d’un air étonné, car ils ne peuvent pas assumer la mort de Dieu; ils croient encore à l’ombre de cet ancien Dieu. Dans un contexte occidental, l’ombre de cet ancien Dieu se retrouve être les valeurs encouragées par le christianisme : c'est-à-dire l’égalité entre les individus (l’égalité devant Dieu), la science comme dernière croyance (c'est-à-dire croyance en une vérité objective; comme la matière, les mathématiques), l’économisme ou les diverses sciences sociales (qui amèneraient un paradis terrestre), etc…

Nietzsche sent que la mort de Dieu devrait aussi ultimement mener à la mort de ces idéaux hérités des valeurs chrétiennes, mais ses compatriotes ne l'ont pas compris. C’est pourquoi que l’insensé peut dire que « cet événement énorme [la mort de Dieu] est encore en route, il marche – et n’est pas encore parvenu jusqu’à l’oreille des hommes. Il faut du temps à l’éclair et au tonnerre, il faut du temps à la lumière des astres, il faut du temps aux actions, même lorsqu’elles sont accomplies, pour être vues et entendues. » Nietzsche est conséquent et cohérent avec sa réflexion sur l’athéisme. Il est le véritable prophète de l’athéisme, et celle-ci doit mener, comme il le dit, à un renversement de toutes les valeurs judéo-chrétiennes. Sans Dieu, il n’y a plus de haut, ni de bas. Et, il n’y a plus de morales autrement que celles que nos inclinations nous indiquent de vivre... sinon, c'est que nous n'en avons pas terminé avec Dieu!

dimanche 26 décembre 2010

Éclatez en cris de joie


« Éclatez en cris de joie, ruines de Jérusalem, car le Seigneur a consolé son peuple, il rachète Jérusalem ! Le Seigneur a montré la force divine de son bras aux yeux de toutes les nations. Et, d'un bout à l'autre de la terre, elles verront le salut de notre Dieu .» (Isaie; 52)

Charles Le Brun - L'Adoration des mages

C'est sur ces merveilleuses paroles que le prophète Isaïe parle prophétiquement de la venue du Seigneur, celui qui rachètera le peuple juif de ses fautes. Pourtant, à qui ces paroles peuvent-elles éveiller encore des sentiments?

« Éclatez en cris de joie » : Qui peut éclater de joie autre que celui qui n'est pas dans la joie? Si la cité, ton âme, est en désolation n'aurais-tu pas envie de crier de joie, si la lumière, en qui est la vie, se présente à toi? Alors crie ta joie et croit en cette lumière qui est apparue dans la nuit, ensuite, tel un arbre s'abreuvant de la pure lumière, tu pourras croître dans la paix.

« ruines de Jérusalem » : Que la cité sainte soit en ruine, cela peut arriver lorsque les chefs ne gouvernent pas selon la Justice et la Vérité. Lorsque les infidèles souillent le temple sacré. Et, lorsque les pauvre n'obtiennent pas la compassion. Toutefois, Jérusalem c'est nous. La Jérusalem en ruine apparaît lorsque nous obéissons à des principes pervers, lorsque nous souillons notre âme par l’idolâtrie et nous sommes aveuglés par le froid démon de l'orgueil.

À celui qui son âme est en ruine, dont le glaive de Dieu a brisé ce qui reposait sur des mauvaises fondations, regarde le lys dans son autre main. Il juge ceux qu'il aime et est miséricordieux envers eux.

Mais, nous sommes aussi des pauvres. Nous sommes et seront éternellement des pêcheurs, cependant nous sommes aussi des pauvres qui payent pour l'injustice, la  malhonnêteté et les vices de nos prochains. Nos âmes demandent la justice et la paix pour notre monde. Isaïe, le divin prophète, a transmis la promesse de Dieu faîte à son peuple : « d'un bout à l'autre de la terre, elles verront le salut de notre Dieu .» Et, des milliers d'années plus tard cette promesse nous est encore adressée, nous verrons la justice. Cette promesse se réactualise à chaque fois que nous sommes plongés dans les ténèbres et l'injustice. 

L'évangéliste Jean écrit dans son prologue : « Par lui, tout s'est fait, et rien de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. ». Sois heureux, car tu peux te reposer en toute confiance en sa volonté, car seul ce qui repose en Dieu permet de durer éternellement, et seul ce qui repose en lui contient la vie. Le reste un jour où l'autre disparaîtra, s'en est ainsi!

samedi 18 décembre 2010

Gustave Thibon : Principe et personnalité

Gustave Thibon
"Dans les époques classiques, les institu­tions morales, politiques ou religieuses dépassaient et portaient les individus qui les représentaient. La monarchie était plus que le roi, le sacerdoce plus que le prêtre. A telle enseigne qu’on pouvait alors se payer le luxe de mépriser tel roi ou tel pape sans que le principe même de la monarchie ou de l’auto­rité pontificale soit mis en question le moins du monde. Qu’on songe aux invectives d’une sainte com­me Catherine de Sienne contre le clergé de son temps, à un grand catholique comme Dante qui col­loquait en enfer le pape alors régnant! Aujourd’hui, comme dans tous les temps de décadence, nous assis­tons au phénomène inverse : les institutions ne sont tolérées et aimées qu’à travers les personnes : c’est pourquoi, soit dit en passant, nous avons besoin, plus que jamais, de chefs politiques et religieux intègres et vigoureux. Plus que jamais, le chef qui manque à sa mission compromet, en même temps que sa personne éphémère, le principe éternel qu’il représente. Il est un peu angoissant de voir de faibles individus porter sur leurs épaulés tout le poids des cadres sociaux. Croit-on que les Italiens et les Allemands d’aujour­d’hui soient tellement attachés au principe de la dic­tature ? Pas du tout ; c’est la personne de Mussolini et de Hitler qu’ils adorent. Et croit-on aussi à la possibilité actuelle d’un anticléricalisme qui ne soit pas, en même temps, antireligieux ? Hélas ! il devient de plus en plus difficile de séparer la cause des insti­tutions de la cause des personnes..."


-Gustave Thibon (Ce que Dieu a uni, essai sur l'amour)

dimanche 28 novembre 2010

Oh Viens, Oh Viens Emmanuel

Nous sommes entrés dans le temps de l'Avent, la fête de Noël arrive à grands pas.
Pour les chrétiens, c'est un temps d'espérance.

Dans ce billet, j'ai attaché à ce billet une version anglaise d'un chant de Noël bien connu réalisée par Sufjan Stevens, et directement en dessous son équivalent en chant grégorien.


"Veni, veni Emmanuel,
Captivum solve Israel,
Qui gemit in exilio
Privatus Dei Filio."

Viens, viens emmanuel
Libère ton peuple d'Israël,
qui pleure en exile,
privé du fils de Dieu"


En anglais: 
 

En latin :


samedi 27 novembre 2010

Les subtiles violences

Notre société consacre une quantité impressionnante de ses ressources à la publicité : de son élaboration à sa diffusion. Le cirque entourant les publicités diffusées lors du championnat du superbowl nous le montre. La publicité constitue une arme dans les guerres commerciales, politiques et idéologiques. Parce que les individus sont devenus « libres » de choisir, l’esprit est un territoire à conquérir, car l’adoption d’une idée ou d’un produit par une masse de gens suffisante constitue presque un test de légitimité moderne.



Pour gagner cette guerre, les publicitaires doivent influencer et persuader les individus de modifier leurs opinions et leurs choix de consommateurs. Toutefois, le pouvoir persuasif de la publicité ne repose pas sur les qualités réflexives de l’âme, ni sur son intuition, mais sur l’utilisation des sympathies et des antipathies de l’homme, de ses sentiments, et du développement des techniques de marketing et de l’utilisation des bases de données afin de piéger les individus.

Le désordre publicitaire
La publicité n’est pas essentiellement mauvaise, mais dans notre époque, son omniprésence la rend mauvaise. Que cela soit dans les toilettes, sur les autobus, à la télévision, sur internet, nos sens peuvent difficilement s’en échapper plus que quelques heures. La publicité engendre alors un ensemble de représentation mentale artificielle, et par un effet de débordement, elle participe à l’exacerbation de l’ensemble des désirs. Ainsi, si la publicité de telle marque de voiture ne fait pas acheter plus de voitures, mais l’ensemble des publicités de voiture représente un mantra hypnotique qui encourage l’utilisation et l’achat de la voiture. La publicité, comme phénomène global, permet de maintenir vivant le mythe de la liberté par la consommation et les idéologies qui s’y rapportent.

Le phénomène publicitaire n’est plus ordonné à la mesure de l’homme entier, ce qui inclut le divin. Mais c’est l’expression du refoulement de ce qui est transcendant. La publicité ne répond qu’aux besoins mineurs et non essentiels de l’homme. Elle est la manifestation de la licence morale et spirituelle qui accompagne l’individualisme philosophique,  corollaire à la démocratie libérale.

La consommation ne constitue pas un problème, la consommation n’est pas un mal en soi. Toutefois, c’est sa démesure qui est le problème.

La violence publicitaire
Et, la publicité est violente! L’omniprésence de la publicité constitue une violence acceptée socialement; elle ne brise aucun os, et, pourtant, elle enchaîne l’homme dans une prison invisible d’attentes et de fantasmes. Elle ne fait pas appel à l'intelligence et à l’intuition. L’espace mental naturel nécessaire à l’homme pour être libre, elle le souille. Elle cherche à séduire. Pour cela, elle peut faire rire, elle peut éveiller la sensualité, elle peut chercher à enflammer l’orgueil, ou la vanité, ou la vantardise.

La publicité s’impose à l’homme, son consentement est secondaire. De toute façon, nous sommes avides de nouveauté. Son objectif est de pénétrer dans l’esprit de l’individu et d’y faire sa résidence. Si pour l’homme dépendant au sexe, une seule image peut lui éveiller un désir. Pour l’homme qui ne possède pas de passion apparente, il faudra s’imposer à lui par un refrain qu’on n’oublie pas, l’humour, par n’importe quel artifice qui permettra que dans une semaine, un mois, un an germe un de ces désirs.

Ce battage publicitaire, comme il est souligné plus tôt, s’il n’arrive pas à créer de nouveaux désirs, légitimera la surconsommation, et nous fera oublier son caractère tout à fait scandaleux. À ce sujet, soulignons que Locke dans son Traité du gouvernement civil souligne que dans l’état de nature l’ensemble de la création est détenu en commun. Mais, ce qui est le fruit du labeur et de l’industrie de l’homme, cela lui appartient de droit. Toutefois, cela est vrai, tant que l’homme jouit de ses biens dans les limites de la raison. Ainsi « si l’on passe les bornes de la modération, et que l’on prenne plus de choses qu’on n’en a besoin, on prend, sans doute, ce qui appartient aux autres », à ce moment, on met en danger la vie d’un autre homme et on perd le droit de jouir de ce bien.

La publicité vise nos défauts et nos failles. Elle tourne nos instincts contre nous. Si, un homme souffre d’un orgueil démesuré. Que lui arrivera-t-il, si on lui présente constamment des images d’homme riches avec telle marque de voiture? Pour un autre ayant des problèmes avec les jeux de hasard, une petite publicité alléchante sur les nouvelles tables de black-jack l’incitera à aller dans un casino. On le sait, on le voit, pour certaines jeunes filles, leur désir de reconnaissance les poussera à rassembler à un modèle féminin stéréotypée et hypersexualisée. Pour chaque faiblesse psychologique, on retrouve un piège médiatique afin de s’imposer à l’âme de l’individu. Si l’âge adulte peut calmer cette suggestibilité à la publicité, ce sont tout de même, les individus les plus fragiles qui peuvent s’y faire prendre.

Alors, comment pouvons-nous qualifier une industrie qui utilise la misère des gens contre eux-mêmes afin de les piéger? Nous ne pouvons que la qualifier de violente!

Ulysse et les sirènes
Dans son ensemble, le résultat de l’omniprésence publicitaire est d’envoûter une multitude de gens afin qu’ils aspirent à surconsommer! En cela, chaque homme est semblable à Ulysse lorsqu’il eut à affronter les sirènes. Mais dans sa sagesse, Ulysse s’attacha au mat, et il exigea de ses marins qu’ils se bouchent les oreilles de cire afin qu’ils ne soient pas charmés par les sirènes. Si nous avions à réécrire cette histoire en nous inspirant de notre époque : Ulysse ne serait pas attaché au mat, il aurait les mains sur le gouvernail, ses marins n’auraient pas de cire dans les oreilles, mais plutôt des amplificateurs, et le chant des sirènes serait accompagné de projection vidéo et d’explosions pyrotechniques..

Et le chrétien?
Jésus entra dans le temple et chassa tous ceux qui vendaient et achetaient dans le temple;[…] : Ma maison sera appelée maison de prière; mais vous, vous en faites une caverne de voleurs. " Mathieu 21,12


La maison de Dieu est l’âme de l’homme, car c’est en esprit et en vérité que le chrétien doit adorer Dieu afin que celui-ci puisse y manifester sa présence. Pour cela, il faut que l’âme soit vide afin que le Seigneur puisse y exercer sa souveraineté. Car, Dieu est jaloux et son trône est notre âme. Ainsi, il est plus facile de percevoir l’utilité de l’ascèse. Celle-ci doit libérer l’âme de la présence de la créature afin d’y établir le trône vide de Dieu. Et, il est doublement pertinent de faire une ascèse mentale vis à vis des suggestions externes.

Car, l’homme qui ne prête pas attention est semblable à un château fort dont le pont-levis est descendu, et qui n’est pas gardé. À ce moment, des brigands peuvent y entrer, fréquenter les tavernes et y ravager sa cité. L’âme de l’homme finit par être encombrée du bruit et de l’agitation de ces brigands, et de tous les désirs nouveaux de l’homme. Bref, c’est tout un capharnaüm qu’est devenue l’âme de l’homme. Dans ce cas, l’appel à la prière ne peut plus être entendu, c’est pourquoi  pour le chrétien, la publicité est un danger. Car l’homme, et c’est naturel, sera appelé à désirer un moment donné ces biens. Tous les hommes de chair ont leur point d’achoppement.  Mais, le chrétien devra livrer le combat, il devra patienter et accepter cette souffrance, peut être même succombera-t-il. C’est une souffrance qu’il aurait peut-être mieux fait d’éviter.

Si l’homme veut garder sa liberté, car tout ce qui est bon cherche à libérer l’homme de ses prisons spirituelles, l’esprit doit abattre le vacarme des réclames afin qu’il puisse se dresser comme une forteresse au milieu de ce brouhaha publicitaire. Car, les subtiles violences sont toujours plus perverses que les apparentes.

 « Qu’est-ce qu’un esprit libre? Un esprit libre est celui qui n’est troublé par rien et n’est attaché à rien, qui n’a lié le meilleur de lui-même à aucun mode et ne songe en rien à ce qui est sien; complètement englouti dans la très chère volonté de Dieu, il est sorti de lui-même ».
-          Maître Eckhart 

dimanche 14 novembre 2010

Jésus-Christ monta dans un petit château fort...

Dans son sermon numéro 2, Maître Eckhart (1260-1328 ap. JC), un dominicain, maître en théologie de l’université de Paris, utilise un passage de l’Évangile de Luc (10,38) afin de montrer la disposition que doit avoir l’âme humaine afin d’accueillir le Christ. Maître Eckhart traduit ainsi Luc 10,38 : « Jésus-Christ monta dans un petit château fort et il y fut reçu par une vierge qui était une femme  »[1]. Pour lui, l’âme humaine se doit d’être vierge afin de recevoir le Christ.  Par virginité, il entend le détachement face aux choses de ce monde. Seulement, dans cette condition, le Christ peut, lui, venir y habiter afin que l’âme vierge se transforme en femme, car d’après Eckhart, il y fut reçu par une vierge qui était une femme.
Pour Maître Eckhart, la virginité de l’âme se définit par la liberté par rapport aux choses, aux images, aux sensations et aux créatures. Cela permet de comprendre que cette vierge qui était une femme, signifie qu’elle était vierge par rapport à la création, au terrestre, mais qu’elle était femme par rapport au Christ, au céleste. Pourquoi est-ce que l’âme humaine doit être vierge pour accueillir le Christ? Car, le Seigneur est le plus doux des sons et la plus subtile des lumières.  

Dans l’Ancien Testament, si Dieu se manifeste accompagné d’éclair c’est pour signifier sa puissance, sa gloire et sa royauté. Toutefois, dans le livre des Rois, on raconte  l’histoire du prophète Élie, qui eut ordre d’attendre la présence du Seigneur. Plusieurs phénomènes naturels impressionnants se produisirent, mais il ne vit pas le seigneur dans ces phénomènes. Finalement, ce fut dans un murmure doux et léger qu'il perçut sa présence : « … il y eut un vent fort et violent qui déchirait les montagnes et brisait les rochers : [mais] l'Éternel n'était pas dans le vent. Et après le vent, ce fut un tremblement de terre : [mais] l'Éternel n'était pas dans le tremblement de terre. Et après le tremblement de terre, un feu : [mais] l'Éternel n'était pas dans le feu. Et après le feu, un murmure doux et léger. Dès qu'Élie l'entendit, il se voila le visage avec son manteau.. »[2] C’est dans ce murmure doux et léger qu’Élie sentit la présence de Dieu, et il suivit ce murmure. Un murmure doux et léger dans lequel sont contenues la puissance, la gloire et la royauté du Seigneur.

Mais pour entendre ce murmure doux et léger, il faut que l’âme soit vierge et libre. Car, comment peut-on entendre ce murmure si l’âme est occupée à milles et une occupation ?

Dans la Bible, on le voit souvent, des prophètes vont dans le désert afin d’y trouver Dieu, ils y jeûnent et ils y prient. C'est à cet endroit que part Jésus afin de prier, de jeûner, et c’est aussi à cet endroit qu’il y sera tenté. Car le désert c'est l'absence. Mais pour la Bible, c’est dans cette absence qu'est caché le souffle, la parole de Dieu.

Dans le désert, la nuit, le ciel étoilé se manifeste. De tous les temps, ces cieux furent liés aux divins. L’âme habitée par le divin est semblable à une nuit peuplée d’étoile. Lorsque les activités et les préoccupations superficielles de l’homme s’éteignent et que le vide se fait. Lorsqu'en son cœur, il se forme un désert et que ses préoccupations s’éteignent. Le ciel éternel peuplé d’étoile apparaît; expression éternelle, immuable et symbolique de l’infini, de la sagesse et de la beauté de Dieu. Toutefois, il ne faut qu’une ville, telle Las Vegas, apparaisse pour que ce ciel peuplé d’étoile, brillant délicatement et subtilement, s’éteigne au profit des lumières nées de l’industrie, de l'agitation et du désir des hommes. Ce n’est pas un hasard, si les hommes perdent le goût du divin, du silence et de la beauté, à mesure que les villes tissent leurs toiles lumineuses, voilant du regard des hommes le champ infini suspendu au-dessus de leurs têtes.

Ainsi, afin d’accueillir le divin, l’homme doit se créer une forteresse. On doit ériger un rempart contre les agressions extérieures de la publicité, des réclames, des excitations sensorielles artificielles, des passions, qui enchaînent l’âme, afin que dans ce château, il puisse y avoir cette « vierge qui était une femme ». À ce moment, Jésus pourra monter dans ce  « petit château fort ». Dans cet espace protégé par des remparts, le Christ pourra y parler, et l’âme pourra s’y mouvoir librement et joyeusement, elle sera aussi femme par la grâce de la présence du Christ. Ainsi, ce sera à l’extérieur de ce château que se retrouveront les brigands, les violeurs, les assassins et les mille séductions.

Il y a des musiques qui nous permettent d’ériger des murailles, et d'aider à faire ce silence en nous, je pense spécialement aux chants grégoriens et aux compositions d’Arvo Part.

Attaché à ce billet : Arvo Part, « Spiegel I’m Spiegel » (Mirroir dans un Mirroir)


[1]  Certains remarqueront que la traduction de Maitre Eckhart est très différente de la bible actuelle. Je vais revenir sur l'histoire de cet extrait (Marthe et Marie) dans un prochain billet. Pour l'instant, ne nous concentrons pas sur la validité exégétique de la traduction d’Eckhart.
[2]  1 Rois 19:11