dimanche 28 novembre 2010

Oh Viens, Oh Viens Emmanuel

Nous sommes entrés dans le temps de l'Avent, la fête de Noël arrive à grands pas.
Pour les chrétiens, c'est un temps d'espérance.

Dans ce billet, j'ai attaché à ce billet une version anglaise d'un chant de Noël bien connu réalisée par Sufjan Stevens, et directement en dessous son équivalent en chant grégorien.


"Veni, veni Emmanuel,
Captivum solve Israel,
Qui gemit in exilio
Privatus Dei Filio."

Viens, viens emmanuel
Libère ton peuple d'Israël,
qui pleure en exile,
privé du fils de Dieu"


En anglais: 
 

En latin :


samedi 27 novembre 2010

Les subtiles violences

Notre société consacre une quantité impressionnante de ses ressources à la publicité : de son élaboration à sa diffusion. Le cirque entourant les publicités diffusées lors du championnat du superbowl nous le montre. La publicité constitue une arme dans les guerres commerciales, politiques et idéologiques. Parce que les individus sont devenus « libres » de choisir, l’esprit est un territoire à conquérir, car l’adoption d’une idée ou d’un produit par une masse de gens suffisante constitue presque un test de légitimité moderne.



Pour gagner cette guerre, les publicitaires doivent influencer et persuader les individus de modifier leurs opinions et leurs choix de consommateurs. Toutefois, le pouvoir persuasif de la publicité ne repose pas sur les qualités réflexives de l’âme, ni sur son intuition, mais sur l’utilisation des sympathies et des antipathies de l’homme, de ses sentiments, et du développement des techniques de marketing et de l’utilisation des bases de données afin de piéger les individus.

Le désordre publicitaire
La publicité n’est pas essentiellement mauvaise, mais dans notre époque, son omniprésence la rend mauvaise. Que cela soit dans les toilettes, sur les autobus, à la télévision, sur internet, nos sens peuvent difficilement s’en échapper plus que quelques heures. La publicité engendre alors un ensemble de représentation mentale artificielle, et par un effet de débordement, elle participe à l’exacerbation de l’ensemble des désirs. Ainsi, si la publicité de telle marque de voiture ne fait pas acheter plus de voitures, mais l’ensemble des publicités de voiture représente un mantra hypnotique qui encourage l’utilisation et l’achat de la voiture. La publicité, comme phénomène global, permet de maintenir vivant le mythe de la liberté par la consommation et les idéologies qui s’y rapportent.

Le phénomène publicitaire n’est plus ordonné à la mesure de l’homme entier, ce qui inclut le divin. Mais c’est l’expression du refoulement de ce qui est transcendant. La publicité ne répond qu’aux besoins mineurs et non essentiels de l’homme. Elle est la manifestation de la licence morale et spirituelle qui accompagne l’individualisme philosophique,  corollaire à la démocratie libérale.

La consommation ne constitue pas un problème, la consommation n’est pas un mal en soi. Toutefois, c’est sa démesure qui est le problème.

La violence publicitaire
Et, la publicité est violente! L’omniprésence de la publicité constitue une violence acceptée socialement; elle ne brise aucun os, et, pourtant, elle enchaîne l’homme dans une prison invisible d’attentes et de fantasmes. Elle ne fait pas appel à l'intelligence et à l’intuition. L’espace mental naturel nécessaire à l’homme pour être libre, elle le souille. Elle cherche à séduire. Pour cela, elle peut faire rire, elle peut éveiller la sensualité, elle peut chercher à enflammer l’orgueil, ou la vanité, ou la vantardise.

La publicité s’impose à l’homme, son consentement est secondaire. De toute façon, nous sommes avides de nouveauté. Son objectif est de pénétrer dans l’esprit de l’individu et d’y faire sa résidence. Si pour l’homme dépendant au sexe, une seule image peut lui éveiller un désir. Pour l’homme qui ne possède pas de passion apparente, il faudra s’imposer à lui par un refrain qu’on n’oublie pas, l’humour, par n’importe quel artifice qui permettra que dans une semaine, un mois, un an germe un de ces désirs.

Ce battage publicitaire, comme il est souligné plus tôt, s’il n’arrive pas à créer de nouveaux désirs, légitimera la surconsommation, et nous fera oublier son caractère tout à fait scandaleux. À ce sujet, soulignons que Locke dans son Traité du gouvernement civil souligne que dans l’état de nature l’ensemble de la création est détenu en commun. Mais, ce qui est le fruit du labeur et de l’industrie de l’homme, cela lui appartient de droit. Toutefois, cela est vrai, tant que l’homme jouit de ses biens dans les limites de la raison. Ainsi « si l’on passe les bornes de la modération, et que l’on prenne plus de choses qu’on n’en a besoin, on prend, sans doute, ce qui appartient aux autres », à ce moment, on met en danger la vie d’un autre homme et on perd le droit de jouir de ce bien.

La publicité vise nos défauts et nos failles. Elle tourne nos instincts contre nous. Si, un homme souffre d’un orgueil démesuré. Que lui arrivera-t-il, si on lui présente constamment des images d’homme riches avec telle marque de voiture? Pour un autre ayant des problèmes avec les jeux de hasard, une petite publicité alléchante sur les nouvelles tables de black-jack l’incitera à aller dans un casino. On le sait, on le voit, pour certaines jeunes filles, leur désir de reconnaissance les poussera à rassembler à un modèle féminin stéréotypée et hypersexualisée. Pour chaque faiblesse psychologique, on retrouve un piège médiatique afin de s’imposer à l’âme de l’individu. Si l’âge adulte peut calmer cette suggestibilité à la publicité, ce sont tout de même, les individus les plus fragiles qui peuvent s’y faire prendre.

Alors, comment pouvons-nous qualifier une industrie qui utilise la misère des gens contre eux-mêmes afin de les piéger? Nous ne pouvons que la qualifier de violente!

Ulysse et les sirènes
Dans son ensemble, le résultat de l’omniprésence publicitaire est d’envoûter une multitude de gens afin qu’ils aspirent à surconsommer! En cela, chaque homme est semblable à Ulysse lorsqu’il eut à affronter les sirènes. Mais dans sa sagesse, Ulysse s’attacha au mat, et il exigea de ses marins qu’ils se bouchent les oreilles de cire afin qu’ils ne soient pas charmés par les sirènes. Si nous avions à réécrire cette histoire en nous inspirant de notre époque : Ulysse ne serait pas attaché au mat, il aurait les mains sur le gouvernail, ses marins n’auraient pas de cire dans les oreilles, mais plutôt des amplificateurs, et le chant des sirènes serait accompagné de projection vidéo et d’explosions pyrotechniques..

Et le chrétien?
Jésus entra dans le temple et chassa tous ceux qui vendaient et achetaient dans le temple;[…] : Ma maison sera appelée maison de prière; mais vous, vous en faites une caverne de voleurs. " Mathieu 21,12


La maison de Dieu est l’âme de l’homme, car c’est en esprit et en vérité que le chrétien doit adorer Dieu afin que celui-ci puisse y manifester sa présence. Pour cela, il faut que l’âme soit vide afin que le Seigneur puisse y exercer sa souveraineté. Car, Dieu est jaloux et son trône est notre âme. Ainsi, il est plus facile de percevoir l’utilité de l’ascèse. Celle-ci doit libérer l’âme de la présence de la créature afin d’y établir le trône vide de Dieu. Et, il est doublement pertinent de faire une ascèse mentale vis à vis des suggestions externes.

Car, l’homme qui ne prête pas attention est semblable à un château fort dont le pont-levis est descendu, et qui n’est pas gardé. À ce moment, des brigands peuvent y entrer, fréquenter les tavernes et y ravager sa cité. L’âme de l’homme finit par être encombrée du bruit et de l’agitation de ces brigands, et de tous les désirs nouveaux de l’homme. Bref, c’est tout un capharnaüm qu’est devenue l’âme de l’homme. Dans ce cas, l’appel à la prière ne peut plus être entendu, c’est pourquoi  pour le chrétien, la publicité est un danger. Car l’homme, et c’est naturel, sera appelé à désirer un moment donné ces biens. Tous les hommes de chair ont leur point d’achoppement.  Mais, le chrétien devra livrer le combat, il devra patienter et accepter cette souffrance, peut être même succombera-t-il. C’est une souffrance qu’il aurait peut-être mieux fait d’éviter.

Si l’homme veut garder sa liberté, car tout ce qui est bon cherche à libérer l’homme de ses prisons spirituelles, l’esprit doit abattre le vacarme des réclames afin qu’il puisse se dresser comme une forteresse au milieu de ce brouhaha publicitaire. Car, les subtiles violences sont toujours plus perverses que les apparentes.

 « Qu’est-ce qu’un esprit libre? Un esprit libre est celui qui n’est troublé par rien et n’est attaché à rien, qui n’a lié le meilleur de lui-même à aucun mode et ne songe en rien à ce qui est sien; complètement englouti dans la très chère volonté de Dieu, il est sorti de lui-même ».
-          Maître Eckhart 

dimanche 14 novembre 2010

Jésus-Christ monta dans un petit château fort...

Dans son sermon numéro 2, Maître Eckhart (1260-1328 ap. JC), un dominicain, maître en théologie de l’université de Paris, utilise un passage de l’Évangile de Luc (10,38) afin de montrer la disposition que doit avoir l’âme humaine afin d’accueillir le Christ. Maître Eckhart traduit ainsi Luc 10,38 : « Jésus-Christ monta dans un petit château fort et il y fut reçu par une vierge qui était une femme  »[1]. Pour lui, l’âme humaine se doit d’être vierge afin de recevoir le Christ.  Par virginité, il entend le détachement face aux choses de ce monde. Seulement, dans cette condition, le Christ peut, lui, venir y habiter afin que l’âme vierge se transforme en femme, car d’après Eckhart, il y fut reçu par une vierge qui était une femme.
Pour Maître Eckhart, la virginité de l’âme se définit par la liberté par rapport aux choses, aux images, aux sensations et aux créatures. Cela permet de comprendre que cette vierge qui était une femme, signifie qu’elle était vierge par rapport à la création, au terrestre, mais qu’elle était femme par rapport au Christ, au céleste. Pourquoi est-ce que l’âme humaine doit être vierge pour accueillir le Christ? Car, le Seigneur est le plus doux des sons et la plus subtile des lumières.  

Dans l’Ancien Testament, si Dieu se manifeste accompagné d’éclair c’est pour signifier sa puissance, sa gloire et sa royauté. Toutefois, dans le livre des Rois, on raconte  l’histoire du prophète Élie, qui eut ordre d’attendre la présence du Seigneur. Plusieurs phénomènes naturels impressionnants se produisirent, mais il ne vit pas le seigneur dans ces phénomènes. Finalement, ce fut dans un murmure doux et léger qu'il perçut sa présence : « … il y eut un vent fort et violent qui déchirait les montagnes et brisait les rochers : [mais] l'Éternel n'était pas dans le vent. Et après le vent, ce fut un tremblement de terre : [mais] l'Éternel n'était pas dans le tremblement de terre. Et après le tremblement de terre, un feu : [mais] l'Éternel n'était pas dans le feu. Et après le feu, un murmure doux et léger. Dès qu'Élie l'entendit, il se voila le visage avec son manteau.. »[2] C’est dans ce murmure doux et léger qu’Élie sentit la présence de Dieu, et il suivit ce murmure. Un murmure doux et léger dans lequel sont contenues la puissance, la gloire et la royauté du Seigneur.

Mais pour entendre ce murmure doux et léger, il faut que l’âme soit vierge et libre. Car, comment peut-on entendre ce murmure si l’âme est occupée à milles et une occupation ?

Dans la Bible, on le voit souvent, des prophètes vont dans le désert afin d’y trouver Dieu, ils y jeûnent et ils y prient. C'est à cet endroit que part Jésus afin de prier, de jeûner, et c’est aussi à cet endroit qu’il y sera tenté. Car le désert c'est l'absence. Mais pour la Bible, c’est dans cette absence qu'est caché le souffle, la parole de Dieu.

Dans le désert, la nuit, le ciel étoilé se manifeste. De tous les temps, ces cieux furent liés aux divins. L’âme habitée par le divin est semblable à une nuit peuplée d’étoile. Lorsque les activités et les préoccupations superficielles de l’homme s’éteignent et que le vide se fait. Lorsqu'en son cœur, il se forme un désert et que ses préoccupations s’éteignent. Le ciel éternel peuplé d’étoile apparaît; expression éternelle, immuable et symbolique de l’infini, de la sagesse et de la beauté de Dieu. Toutefois, il ne faut qu’une ville, telle Las Vegas, apparaisse pour que ce ciel peuplé d’étoile, brillant délicatement et subtilement, s’éteigne au profit des lumières nées de l’industrie, de l'agitation et du désir des hommes. Ce n’est pas un hasard, si les hommes perdent le goût du divin, du silence et de la beauté, à mesure que les villes tissent leurs toiles lumineuses, voilant du regard des hommes le champ infini suspendu au-dessus de leurs têtes.

Ainsi, afin d’accueillir le divin, l’homme doit se créer une forteresse. On doit ériger un rempart contre les agressions extérieures de la publicité, des réclames, des excitations sensorielles artificielles, des passions, qui enchaînent l’âme, afin que dans ce château, il puisse y avoir cette « vierge qui était une femme ». À ce moment, Jésus pourra monter dans ce  « petit château fort ». Dans cet espace protégé par des remparts, le Christ pourra y parler, et l’âme pourra s’y mouvoir librement et joyeusement, elle sera aussi femme par la grâce de la présence du Christ. Ainsi, ce sera à l’extérieur de ce château que se retrouveront les brigands, les violeurs, les assassins et les mille séductions.

Il y a des musiques qui nous permettent d’ériger des murailles, et d'aider à faire ce silence en nous, je pense spécialement aux chants grégoriens et aux compositions d’Arvo Part.

Attaché à ce billet : Arvo Part, « Spiegel I’m Spiegel » (Mirroir dans un Mirroir)


[1]  Certains remarqueront que la traduction de Maitre Eckhart est très différente de la bible actuelle. Je vais revenir sur l'histoire de cet extrait (Marthe et Marie) dans un prochain billet. Pour l'instant, ne nous concentrons pas sur la validité exégétique de la traduction d’Eckhart.
[2]  1 Rois 19:11

dimanche 7 novembre 2010

Évangile selon Marie et Évangiles canoniques : Partie 3


Évangile de Marie : « là où est l’intellect, là est le trésor »
Que signifie l’Intellect? D’après l’ÉsM, on sait qu’il ne correspond pas à l’esprit (pneuma) et ni à l’âme. [1] Il est probable que cette classification soit semblable à celle utilisée par St-Paul dans sa lettre aux Corinthiens[2], l’âme serait le centre des désirs de la chair , alors que l’esprit serait un corps spirituel. Toutefois, ce n’est pas certain. En grec, on utilise noûs pour référer à l’« Intellect », il a été utilisé par les platoniciens pour désigner la partie la plus haute de l’homme. Dans le Phèdre, Platon indique : 

« L'Essence (qui possède l'existence réelle), celle qui est sans couleur, sans forme et impalpable; celle qui ne peut être contemplée que par le seul guide de l'âme (le noûs) l'intelligence; celle qui est la source du savoir véritable réside en cet endroit. »

On voit très bien la réinterprétation platonicienne de cet extrait. Ceci n’est pas surprenant considérant que dans la bibliothèque de Nag Hammadi, nous avons retrouvé un extrait de la République de Platon. Afin de confirmer cet emprunt platonicien du terme « Intellect » dans l'ÉsM, nous pouvons vérifier son utilisation dans la prière gnostique de l’apôtre Paul  (une prière pseudépigraphique du codex I de Nag Hammadi ). Dans cette prière, on y dit: «tu es mon intellect, engendre-moi. Tu es mon trésor, ouvre-moi. »[3] Lorsque l’auteur dit « tu es mon intellect », il s’adresse au Sauveur. Le Sauveur est l’Intellect, la source du savoir véritable. Dans ce cas, le Sauveur est associé à cette « source du savoir véritable », le trésor. C'est lui, la partie la plus haute de l'âme humaine, dont l'homme peut s'ouvrir.

Nous pouvons, par analogie, substituer l’intellect gnostique au noûs platonicien. L’Intellect(ou noûs) est universel. Il n’est pas lié au particulier. Le noûs est comme une étoile que l’homme, à travers son âme, peut contempler pour se guider. L’interprétation gnostique est semblable à l'interprétation platonicienne, le Sauveur est l’Intellect. C’est l'étoile Polaire de l’âme humaine. C’est pourquoi que l’ÉsM peut dire « là où est l’intellect, là est le trésor », car cet extrait, d’inspiration platonicienne, enseigne aux gnostiques, qu’ils doivent trouver cet Intellect afin de ne plus se troubler, il est là le trésor.

Évangiles canoniques : « Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur »

À travers l’ensemble du Nouveau Testament, le terme kardia est employé en référence à l’intériorité de l’homme, le cœur correspond au domaine intérieur de l’homme; à l’intimité de l’homme à lui-même. C’est approximativement, la même définition que nous considérons au 21e siècle.[4] Le cœur c’est l’essentiel humain de l’homme. Le coeur n’est pas le souffle (l’esprit de Dieu), et ce n’est pas ses désirs. En paraphrasant Saint-Paul, nous pourrions dire que le coeur n’est pas le corps psychique (corpus animale) ou le corps spirituel (corpus spiritale), mais c’est l’intimité de la conscience de l’homme avec ce corps psychique et le corps spirituel. On ne peut pas du tout le rapprocher de l'intellect gnostique.

Selon les évangiles canoniques, c’est ce que l’homme considère le plus cher à ses yeux, que là sera son cœur. L’essence d’un trésor, c’est d’avoir de la valeur aux yeux d’une personne. Si nos richesses sont à l’extérieur de soi, notre cœur sera à l’extérieur de soi, et nous serons inquiets, car les voleurs pourront voler notre trésor, et les mites pourront le dévorer. Si notre trésor est à l’extérieur de soi, notre cœur sera constamment projeté en dehors de soi. Nous serons constamment appelé à être déterminé par les circonstances, par les autres, nous serons inquiets afin de ne pas perdre ce trésors. Et, c'est pourquoi, il est écrit d’« amassez- des trésors dans le ciel ». Et, c’est dans les cieux que réside le père céleste… c’est dans le ciel que se retrouve l’éternité, c’est dans le ciel que se retrouve notre père, la source de toute joie, de toute lumière, de toute vérité.

À suivre

[1] Du latin, « Spiritus » peut signifier Esprit ou Souffle. Le terme grec pneuma signifie aussi Esprit ou Souffle
[2] 1 Cor 2,16 : « seminatur in corpus animale, surgit corpus spiritale » ou « on est semé corps psychique, on se relève corps spirituel ».
[3] Prière de l’Apôtre Paul, NH I,I
[4] Luc 2,19 : « Quant à Marie, elle gardait avec soin toutes ces choses, les repassant dans son cœur »

Évangile selon Marie : Intellect et Cœur, Partie 2

Ceci est le deuxième billet d'une série de trois. Pour lire le billet précédent, cliquez ici

Au chapitre 10 de l’Évangile selon Marie (ÉsM), on y lit la vision que Marie dit avoir reçue du Seigneur. Dans ce chapitre, le Seigneur s’adresse ainsi à Marie : « Bienheureuse, toi qui ne te troubles pas à ma vue, car, là où est l’intellect, là est le trésor. » Par après, le Seigneur déclare, « ce n’est ni au moyen de l’âme ni au moyen du pneuma qu’il voit, mais l’intellect [étant] entre les deux, c’est lui qui perçoit la vision et c’est lui qui … »
Certains lecteurs familiers avec les Évangiles canoniques ont peut être remarqué que cet extrait « Là où est l’intellect, là est le trésor » se retrouve semblablement dans la même forme dans l’Évangile de Mathieu et dans celui de Luc. Dans l’Évangile de Mathieu on y lit :

« Ne vous faites pas de trésors sur la terre, là où les mites et la rouille les dévorent, où les voleurs percent les murs pour voler. Mais faites-vous des trésors dans le ciel, là où les mites et la rouille ne dévorent pas, où les voleurs ne percent pas les murs pour voler. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. » (Mat 6, 19-21)

Deux différences
N’est-il pas curieux de constater une similarité et des différences entre l’extrait de l’ÉsM et celui de Mathieu. Pourquoi, ne pas avoir utilisé la même expression? Que signifient ces variations? 

Entre la version de l’Évangile de Mathieu et de l’ÉsM, on remarque deux différences. Premièrement, une relation inverse entre le trésor, et le cœur ou l’intellect. Ainsi, dans l’ÉsM, là où sera l’intellect, là sera le trésor. Alors que dans l’Évangile de Mathieu, on dit que là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur
ÉsM : Intellect -> Trésor
Évangiles canoniques : Trésor -> Cœur

Ensuite, les Évangiles de Mathieu et de Luc emploient le terme « cœur » (kardia en grec), alors que l’ÉsM emploie le terme « Intellect », provenant probablement du grec, «noûs»

À suivre

samedi 6 novembre 2010

Évangile selon Marie : Introduction

L’Évangile selon Marie est un récit chrétien d’inspiration gnostique, il a été écrit en grec au 2e siècle. On possède trois manuscrits coptes datant du 3e ou 4e siècle. C’est fort probablement un évangile pseudépigraphique, ce qui veut dire que l’attribution à Marie ne signifie pas qu’il a été écrit par une femme appelée Marie, mais que l’auteur a voulu placer son récit sous le signe de Marie. De cet évangile, nous avons perdu les pages 1 à 6 et 11 à 14. D’après les extraits que nous en avons, le récit raconte le désespoir des disciples de Jésus, après sa mort, et le conflit entre Pierre et Marie.

À la page 6, on y trouve Jésus résurrecté qui s’entretient une dernière fois avec ses disciples. Après avoir annoncé son message, Jésus partit, et ses disciples furent accablés. « Comment proclamerons-nous l’Évangile du Royaume du Fils de l’Homme? Si lui n’a pas été épargné, comment, nous, le serions-nous », s’interrogent-ils. Toutefois, Marie se leva, et annonça une révélation que Jésus, lui-même, lui aurait dévoilée. Cependant, Pierre est sceptique, et il  demande à ses compagnons s’il « est possible qu’il (Jésus) se soit entretenu avec une femme en secret ». Mais, Lévi se choqua, prit la parole, et rabroua Pierre, « je te vois maintenant argumenter contre la femme comme un adversaire. Pourtant si le Sauveur l’a rendue digne, qui es-tu, toi, pour la rejeter? » Après le discours sévère de Lévi, les disciples semblent être réconciliés et ils partirent pour annoncer et prêcher l’évangile.

Si, ce récit a été écrit au 2e siècle, il l’a été lors de l’élaboration de l’Église naissante, où le rôle de la femme y était débattu. En arrière-plan de cet évangile, on retrouve l’idée que Pierre n’aurait pas reçu entièrement la révélation, mais qu’il y aurait une révélation ésotérique, dans ce cas, ce serait Marie qui aurait reçu cet évangile secret. 

L'ÉsM est un évangile pseudépigraphique attribué à Marie. On peut se demander, à quelle Marie l’auteur fait référence. Car, il y a plusieurs Marie dans les Évangiles.  Mon hypothèse est que l’auteur fait référence à Marie, la sœur de Marthe, celle qui s’assit près du Seigneur dans Luc 10, 38 – 42. 

En se plaçant sous le symbole de Marie (la sœur de Marthe), l’auteur a voulu signaler qu’il se situait dans la tradition ésotérique et mystique du Christ. Car, on explique traditionnellement l'histoire de Marie et Marthe comme étant l’expression de la dualité entre la contemplation et l’action. Marie étant la contemplative et la mystique. Alors que Marthe est occupée à travailler pour préparer le repas pour le Seigneur, on souligne qu’elle représente l’aspect actif.

Ma deuxième hypothèse est encore plus audacieuse. Est-ce que Marie et Marthe (de l'Évangile de Luc) ne représentent pas le même couple binaire que Pierre et Marie (ÉsM)? Dans l’histoire de Marthe et Marie, Marthe demande à Jésus d’exiger que Marie l’aide à effectuer les tâches, et le Seigneur refuse, et il déclare « Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et t'agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. C'est bien Marie qui a choisi la meilleure part; elle ne lui sera pas enlevée. » Dans l’ÉsM, Pierre n’a pas pu obtenir la révélation, il n’a pas reçu la révélation du Seigneur, mais Marie a reçu une vision. Ainsi, lorsque Marie dévoile sa vision. Pierre se met en colère et il critique Marie. Pierre n’agit-il pas semblablement comme Marthe? Toutefois, ce n’est rien qu’une hypothèse très hasardeuse. Peut être est-ce je l’étudierais plus en profondeur lors d’un prochain billet.
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Lors des prochains billets, je commenterai certains passages de cet évangile.

La manifestation du mal s’exprime par la perte du libre arbitre


L’attachement à une drogue est un exemple éloquent de la manifestation du mal. Pour un drogué, le mal existe, il le nomme peut-être différemment, mais il existe. Ce n’est pas un concept abstrait, une donnée de la raison seule, mais une force agissante par le corps et la psyché dont l’homme ne peut se séparer.

L’homme drogué est l’homme attaché à des chaînes, si en certaines heures les chaînes lui permettent un espace pour se mouvoir librement, en d’autres heures, elles le tirent à réaliser une volonté qui n’est pas celle du drogué. À ce moment,  c’est la volonté du drogué qui se réalise, non pas celle de l’homme libre. Combien de drogués prennent-ils des décisions contraires à leur conscience lorsque celle-ci est libre? Car, on regrette rarement des actions justes. Toutefois, on regrette de faire le mal. Il est encore moins rare de voir des hommes regretter la consommation d’une drogue.  Pour la plupart des drogués, ils savent qu’ils perdent le contrôle de leur esprit et de leur corps lorsqu’apparaît le besoin de drogue. Ils savent que ces drogues peuvent heurter leurs amis, leurs familles. Toutefois, malgré tout, ils continuent à en consommer.

Se sentent-ils en contrôle? Se sentent-ils gagnés en force? En caractère? Les drogués répondant à l’appel de leur dépendance perdent leur libre arbitre! Après que ce feu est disparu, qu’ils ont consumé leur désir, ils réalisent ce qu’ils ont fait et ils regrettent.

La manifestation du mal
Un homme est seul; au repos dans sa maison;  il lui vient un désir; son cœur bat plus vite; il est déjà trop tard; il sait qu’il est trop tard; il se prend encore à croire en la promesse éternelle du désir; sa pensée s’embrouille; il met tout en œuvre pour obéir à son désir; incapable de réfléchir clairement; sa pensée est comme dans un rêve flou;  devenu déterminé; il trouve un moyen d’accéder à l’objet de son désir; même s’il n’avait jamais agi ainsi en d’autres occasions; enfin, il goûte à son désir; son désir s’éteint; il revient à lui-même; et il se sent pauvre, faible et mort.

Voilà, ce qu’est la dépendance à une drogue. C’est comme si, en nous, un mauvais esprit venait nous chuchoter à l’oreille que cette drogue apportait un plaisir, un espoir ou une volupté qui ne pouvait être goûté autrement. Toutefois,  ce désir naît d’un mensonge. Ce mauvais esprit ne parle aucun langage connu, et pourtant, il connaît notre langage intime. Il sait ce qui nous fera tomber. Il nous connait, il connait notre point d’achoppement.

Nous écoutons sa voix, et pourtant, lorsque nous atteignons le midi de notre conscience, nous savons que la voix de notre désir est trompeuse. 

L’essence de l’homme

Luc Ferry, dans Le Point, a écrit un article, où il y reprend un extrait sur la liberté de l’homme, inspirée d’une réflexion du Pic de La Mirandole. Dans son article, il écrit que « l’homme n’a pas de nature ». Il n’est rien de déterminé a priori. En cela réside sa totale liberté ». Pourtant, faisons l’hypothèse que l’homme n’a pas d’essence métaphysique. Limitons nos observations à ce qui est perçu par les sens, sans nous arrêter sur les lumières de la religion. L’homme est un animal social. L’homme sans société, l’homme sans autre homme n’existe pas. La nature de l’homme est le social. L’essence de l’homme c’est le social. Sans social, l’homme n’existe pas. Si à la naissance, on l’abandonne dans la forêt, il meurt. Si à la naissance, on ne fait que le nourrir via un tube, il restera à l’état larvaire. À l’exemple des bébés chinois, abandonnés par leur mère, et l’orphelinat qui s’occupaient d’eux n’a pas pu fournir de soins particuliers, aucune caresse, aucun touché. Ils semblent que sans humanité, sans relations humaines, l’humain s’atrophie.

Ainsi, voilà pourquoi j’ai beaucoup de difficultés à dire que l’homme n’a pas de nature. Au contraire, l’homme a une nature, c’est un être de relations humaines. Ainsi, lorsque M. Ferry déclare, « s’il n’est rien au départ, s’il est « néant », l’homme peut, admirable entre tous, devenir librement tout ce qu’il voudra. » Pourtant, il semble bien être quelque chose au départ, car il ne peut pas devenir librement tout ce qu’il voudra…

Je suis l'Éternel, ton Dieu...

Je suis l'Éternel (YHWH), ton Dieu, qui t’a fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de servitude.

Introduction aux dix commandements : C’est le Seigneur, mon Dieu, qui m’a fait sortir de l’Égypte, de la maison de servitude. J’étais prisonnier, et il m’a libéré. Mon cœur criait et criait, encore et encore, pourtant aucun mot n’était dit, et dans le silence, mon appel était lancé. 

Les dix paroles, prononcées sur cette montagne, tu me les as dites, afin, qu’éternellement, je puisse m’exercer à cette liberté. 

Afin que je sois sans attache, je peux être entièrement à toi. Tu es un Dieu jaloux. Et tu me veux jalousement. Tu veux m’arracher d’Égypte, afin que je puisse être à toi. Et moi, de ce que j’en conçois, tu m’invites à venir te réfugier auprès de toi, pour qu’enfin, je puisse être protégé de l’avilissement et de l’anéantissement.

"Spiritus ubi vult spirat"

« Spiritus ubi vult spirat, et vocem eius audis, sed non scis unde veniat et quo vadat, sic est omnis qui natus est ex Spiritu »

Le vent souffle où il veut; – Tu entends sa voix, – Mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. – Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. - Jean, III, 8