dimanche 7 novembre 2010

Évangile selon Marie et Évangiles canoniques : Partie 3


Évangile de Marie : « là où est l’intellect, là est le trésor »
Que signifie l’Intellect? D’après l’ÉsM, on sait qu’il ne correspond pas à l’esprit (pneuma) et ni à l’âme. [1] Il est probable que cette classification soit semblable à celle utilisée par St-Paul dans sa lettre aux Corinthiens[2], l’âme serait le centre des désirs de la chair , alors que l’esprit serait un corps spirituel. Toutefois, ce n’est pas certain. En grec, on utilise noûs pour référer à l’« Intellect », il a été utilisé par les platoniciens pour désigner la partie la plus haute de l’homme. Dans le Phèdre, Platon indique : 

« L'Essence (qui possède l'existence réelle), celle qui est sans couleur, sans forme et impalpable; celle qui ne peut être contemplée que par le seul guide de l'âme (le noûs) l'intelligence; celle qui est la source du savoir véritable réside en cet endroit. »

On voit très bien la réinterprétation platonicienne de cet extrait. Ceci n’est pas surprenant considérant que dans la bibliothèque de Nag Hammadi, nous avons retrouvé un extrait de la République de Platon. Afin de confirmer cet emprunt platonicien du terme « Intellect » dans l'ÉsM, nous pouvons vérifier son utilisation dans la prière gnostique de l’apôtre Paul  (une prière pseudépigraphique du codex I de Nag Hammadi ). Dans cette prière, on y dit: «tu es mon intellect, engendre-moi. Tu es mon trésor, ouvre-moi. »[3] Lorsque l’auteur dit « tu es mon intellect », il s’adresse au Sauveur. Le Sauveur est l’Intellect, la source du savoir véritable. Dans ce cas, le Sauveur est associé à cette « source du savoir véritable », le trésor. C'est lui, la partie la plus haute de l'âme humaine, dont l'homme peut s'ouvrir.

Nous pouvons, par analogie, substituer l’intellect gnostique au noûs platonicien. L’Intellect(ou noûs) est universel. Il n’est pas lié au particulier. Le noûs est comme une étoile que l’homme, à travers son âme, peut contempler pour se guider. L’interprétation gnostique est semblable à l'interprétation platonicienne, le Sauveur est l’Intellect. C’est l'étoile Polaire de l’âme humaine. C’est pourquoi que l’ÉsM peut dire « là où est l’intellect, là est le trésor », car cet extrait, d’inspiration platonicienne, enseigne aux gnostiques, qu’ils doivent trouver cet Intellect afin de ne plus se troubler, il est là le trésor.

Évangiles canoniques : « Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur »

À travers l’ensemble du Nouveau Testament, le terme kardia est employé en référence à l’intériorité de l’homme, le cœur correspond au domaine intérieur de l’homme; à l’intimité de l’homme à lui-même. C’est approximativement, la même définition que nous considérons au 21e siècle.[4] Le cœur c’est l’essentiel humain de l’homme. Le coeur n’est pas le souffle (l’esprit de Dieu), et ce n’est pas ses désirs. En paraphrasant Saint-Paul, nous pourrions dire que le coeur n’est pas le corps psychique (corpus animale) ou le corps spirituel (corpus spiritale), mais c’est l’intimité de la conscience de l’homme avec ce corps psychique et le corps spirituel. On ne peut pas du tout le rapprocher de l'intellect gnostique.

Selon les évangiles canoniques, c’est ce que l’homme considère le plus cher à ses yeux, que là sera son cœur. L’essence d’un trésor, c’est d’avoir de la valeur aux yeux d’une personne. Si nos richesses sont à l’extérieur de soi, notre cœur sera à l’extérieur de soi, et nous serons inquiets, car les voleurs pourront voler notre trésor, et les mites pourront le dévorer. Si notre trésor est à l’extérieur de soi, notre cœur sera constamment projeté en dehors de soi. Nous serons constamment appelé à être déterminé par les circonstances, par les autres, nous serons inquiets afin de ne pas perdre ce trésors. Et, c'est pourquoi, il est écrit d’« amassez- des trésors dans le ciel ». Et, c’est dans les cieux que réside le père céleste… c’est dans le ciel que se retrouve l’éternité, c’est dans le ciel que se retrouve notre père, la source de toute joie, de toute lumière, de toute vérité.

À suivre

[1] Du latin, « Spiritus » peut signifier Esprit ou Souffle. Le terme grec pneuma signifie aussi Esprit ou Souffle
[2] 1 Cor 2,16 : « seminatur in corpus animale, surgit corpus spiritale » ou « on est semé corps psychique, on se relève corps spirituel ».
[3] Prière de l’Apôtre Paul, NH I,I
[4] Luc 2,19 : « Quant à Marie, elle gardait avec soin toutes ces choses, les repassant dans son cœur »

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