dimanche 30 octobre 2011

Le progrès sans faute: Le progrès technique


Le progrès technique
Dans un article publié dans le quotidien Le Devoir, Pierre Duhamel critique l’argument central d’un film intitulé Survivre au progrès, qui, d’après M. Duhamel, « nous annonce les pires catastrophes si nous n’arrêtons pas la course folle du progrès le film ».
http://www2.lactualite.com/pierre-duhamel/2011/10/19/le-progres-voila-lennemi/
Avant de commencer, j'aimerais débuter par un point faible au texte de M. Duhamel, c’est l’arrogance manifeste héritée pr bablement par une idéologie qui semble s'accorder avec l'air du temps.


À ce sujet, cette arrogance se manifeste intellectuellement par des raccourcis dans l'argumentation et par une certaine manipulation. La position de l’autre est rarement approfondie et comprise. Ces raccourcis apparaissent bien souvent dans les textes des idéologues des catégories de la gauche et de la droite.  Je vous invite à juger par vous-même en faisant abstraction de vos croyances.
Par exemple :
Selon le raisonnement des obsédés de la pénurie, faudrait-il conséquemment qu’on diminue par trois notre consommation dans les pays développés ? Ou que les habitants des pays émergents prennent leur mal en patience au nom de l’intérêt collectif ?
Ce discours culpabilisateur et pessimiste est dangereux. Notre économie recule de 0,5 % pendant une année de récession et c’est la panique. Le chômage se met alors à augmenter et la misère s’étend. Ce que l’on nous propose, c’est de provoquer nous-mêmes une telle situation, dans l’espoir de sauver la planète de nos propres excès. Un peu d’auto-flagellation avec ça ?
Nous y remarquons un procédé apte à frapper et à fasciner les esprits les plus faibles en les manipulant afin de les amener à vers son point de vue. Dans son texte, on introduit le paragraphe par une appellation péjorative (obsédés de la pénurie) et en créant un faux dilemme avec de faux éléments réponses, qui sont supposés reflétés la position de l’adversaire ainsi caricaturé. Nous manipulons ainsi les esprits des individus ne possédant pas les connaissances pour juger de façon éclairée ce qui devrait constituer un débat éclairé. Bref, ces raccourcis sont désespérants qu’ils proviennent du champ droit ou gauche, car ils obscurcissent un débat dans un domaine (le monde des idées) où les éléments doivent être clairs et bien définis.
Le texte
Avançons donc vers les arguments de M. Duhamel.
Ceux-ci tendent à montrer un progrès matériel, technologique et financier depuis les 200 dernières années.
Avançons donc vers les arguments de M. Duhamel. Ceux-ci tendent à montrer un progrès matériel, technologique et financier depuis les 200 dernières années.
Je vais indiquer certains éléments du discours de M. Duhamel, car à mon avis ils représentent plutôt bien les arguments les plus révélateurs de l’idée moderne du progrès.
1.       Argument économique
The Economist estime que presque 60 % de la population du globe fait dorénavant partie de la classe moyenne. Selon McKinsey, la nouvelle classe moyenne des pays émergents compte déjà presque 2 milliards de personnes. Leurs dépenses atteignent 6 900 milliards de dollars, un montant qui devrait presque tripler d’ici la fin de la décennie et représenter alors deux fois la consommation totale des États-Unis.

a.       Conclusion  «bonhomme sept heures »
Notre économie recule de 0,5 % pendant une année de récession et c’est la panique. Le chômage se met alors à augmenter et la misère s’étend. Ce que l’on nous propose, c’est de provoquer nous-mêmes une telle situation, dans l’espoir de sauver la planète de nos propres excès.
2.       Argument de l’espérance de vie
Entre 1950 et 1960, l’espérance de vie moyenne d’un être humain était de 47 ans. Il atteint aujourd’hui 69 ans. En Amérique du Nord, la longévité moyenne est passée de 69 ans à 81 ans pendant la même période.
3.       Argument Malthus 
En 1968, le Club de Rome arrivait à la conclusion que les réserves connues de pétrole seraient épuisées dès 1992. Sans même tenir compte des sables bitumineux, les réserves prouvées de pétrole ont augmenté de 46,7 % entre 1992 et 2010.
4.       Argument massue
Toujours pas convaincu ? Je vous lance un défi. Prenez vos clefs d’automobiles (les 2 si vous en avez deux) et votre téléphone portable. À trois, jetez-les dans les toilettes. Vous vous sentirez mieux  après avoir si magnifiquement contribué à la survie de l’espèce.
5.       Argument de Londre
En fait, on ne mesure pas l’immensité du progrès accompli. Entre 1730 et 1749, les trois-quarts des enfants londoniens n’atteignaient pas cinq ans.
L’explication proposéet la voie à prendre
Qu’est-ce qui explique cette formidable augmentation de l’espérance de vie ? Le développement économique a permis celui de la science et de l’hygiène, ce qui a rendu possible une baisse spectaculaire de la mortalité infantile. Les progrès de la médecine et le développement technologique ont aussi contribué à l’augmentation de l’espérance de vie, et ce, à peu près partout dans le monde. Il y a enfin le développement spectaculaire de la productivité agricole. Résultat : des centaines de millions de personnes se sont déjà sorties de la pauvreté, et des centaines de millions d’autres pourraient en faire autant au cours des prochaines années. Encore et toujours, ce satané progrès

Et les fameuses pénuries ? La technologie a fait des prodigues. La production de céréales est passée de 824 millions de tonnes en 1960 à 2179 millions de tonnes en 2010. C’est 2,6 fois plus.
Le progrès tue ? Non, le progrès sauve.


Prochain billet, le progrès économique

dimanche 23 octobre 2011

Le progrès sans faute!

Le progrès sans faute
“Oh, God of Progress
Have you degraded or forgot us?
Where have your laws gone?”
– “Come On! Feel The Illinoise!: The World's Columbian“ Sufjan Stevens

On parle beaucoup de progrès. On a même réuni un ensemble de préférence politique sous le nom de progressisme afin de les distinguer des  idéologies réunies sous le vocable de conservatisme. Ce qui me fait penser à un mot de G.K. Chesterton: « the business of Progressives is to go on making mistakes. The business of the Conservatives is to prevent the mistakes from being corrected. »
On emploie de façon populaire le mot progrès afin de décrire les transformations de la société imaginée selon un schéma ou nous partons du pire vers le mieux.
Cette définition populaire du progrès est héritée du 19ième siècle, sous l’influence principalement du libéralisme et du positivisme, on a cru que l’homme avançait en se libérant des ténèbres de la religion et de la superstition pour s’acheminer jusqu’aux pleines lumières de la raison. Le progrès technologique et l’implantation d’une administration publique gouvernementale montraient à tous la preuve que cette idée du progrès semblait juste; la rationalité triomphait. Cette croyance impliquait qu'un jour, nous arriverions dans un monde où le soleil raison brillerait sur l’humanité entière.
Une certaine interprétation populaire de la théorie de l’évolution a pu alimenter cette thèse. On a créé un schéma narratif à propos de l'histoire d’un poisson qui commença tranquillement à marcher sur terre pour ensuite passer d'un dinosaure à un l'état de singe, et qui ensuite about l’homme, tel que nous le connaissons. Je dois avouer que ce n’est pas une transcription fidèle de la théorie de l’évolution, mais l’essentiel du schéma narratif de l’idée populaire de l’évolution indique qu’il y un but à l’évolution, donc un progrès. Pourquoi est-ce que je souligne que c’est l’interprétation populaire? Car, dans son aspect scientifique, la théorie de l’évolution n’indique pas qu’il y a un but ou que l’évolution est dirigée. Les espèces qui survivent sont juste les mieux adaptées à leur environnement.
Jusqu’à ce moment, le terme progrès fait référence à une marche vers un but. C’est sensiblement le sens de la racine latine du mot progrès : progressus, qui signifie action d’avancer.  L'ancienne idée du progrès malgré son absence de métaphysique semblait correspondre au schéma chrétien de la marche de la société vers la nouvelle terre et la nouvelle Jérusalem. On avance. Mais, est-ce qu’on avance vers un but? Ou à la manière de Nietzsche, on est dans un éternel devenir qui sera appelé à toujours se transformer et qui ne se dirige vers aucun but.
Le temps présent est rempli du bruit provenant des différentes conceptions de l'homme pour qu'on puisse apercevoir une croyance aussi forte que le positivisme du siècle passé.
Toutefois, ne nous attardons pas sur les définitions philosophiques du progrès, je n’ai pas l’esprit assez robuste pour cela. Mais, penchons-nous vers la conception contemporaine du progrès.
Prochain billet: Progrès économique, technologique et humain à partir d'un texte de Pierre Duhamel.

jeudi 8 septembre 2011

Le rôle de la femme au Moyen-âge

Vision d'Hildegard - Codex Scivias (1174)
Si l'article Wikipédia est vrai (vive l'information immédiate), notre vision négative du rôle de la femme au Moyen-âge viendrait plutôt de l'époque classique antique suivant le Moyen-âge.  Le Moyen-âge est réellement une époque fascinante. Mais avant de poursuivre, une question : l'époque classique n'est-il pas une période de décadence de l'ancien Moyen-âge? 

"Peu d'études ont été faites sur le statut de la femme au Moyen Âge en France. L'image de la femme confinée à la sphère domestique et à l'éducation des enfants relève plus d'une idée préconçue que d'une réalité vraiment connue ou étudiée sérieusement. Ce que nous savons des femmes vient de celles qui ont exercé un artisanat ou travaillé en collaboration avec leur homme. Des lettres de famille font un rapport des mariages qui étaient des partenariats affectueux. Selon l'historienne Régine Pernoud, il semble important de sortir des caricatures qui caractériseraient la condition des femmes au Moyen Âge comme la pire. En effet, il s'avère, par exemple, qu'elles possédaient le droit de vote (dans les assemblées). Leur domaine s'est peu à peu confiné et réduit à la sphère domestique avec l'avènement de la culture classique antique. Auparavant, elles avaient un réel rôle social et une vie professionnelle. N'oublions pas que les reines aussi étaient couronnées par l'archevêque de Reims et qu'elles avaient leur autorité reconnue dans la sphère politique. Marie de Médicis fut la dernière reine couronnée. C'est plus tard que les reines seront complètement exclues de la sphère politique, à l'époque classique. Rappelons-nous que les femmes n'ont pas toujours été écartées du trône au Moyen Âge. La première disposition en ce sens est prise par Philippe le Bel. Progressivement, les religieuses aussi se sont vues cloîtrées, mais cela n'a pas toujours été le cas au Moyen Âge. Certains abbesses avaient au Moyen Âge autant de pouvoir que certains seigneurs. Le rôle des femmes semble diminuer avec la montée de l'influence du droit romain qui ne leur est pas favorable et cette tendance se poursuivra avec la Renaissance. L'étude des actes notariés est une grande source pour comprendre et décrypter le statut des femmes; ceux-ci montrent qu'elles ont possédé une plus grande autonomie qu'on ne l'imagine. Ainsi le statut de la femme autant dans la société civile qu'ecclésiastique semble se modifier au XIIIe siècle. C'est seulement au XVIe siècle qu'un arrêt du Parlement de 1593 écarte explicitement les femmes de toute fonction de l'État."

Source: Wikipédia

mercredi 22 juin 2011

Voyage en Turquie : Retour



C’est le retour d’un grand voyage qui a duré près de 4 semaines en Turquie. Retour difficile à la vie prosaïque; celle pétrie d’une routine oubliée lors du voyage. J’espère recommencer à écrire régulièrement sur ce carnet. Pour l’instant, je publie certaines photos qui furent légèrement modifiées avec photoshop.
Près de Sultanahmet Camii

Sultanahmet Camii (Intérieur)



dimanche 20 mars 2011

2e Méditation du carême : La tentation de Jésus au désert

Mathieu 4, 1 : La tentation de Jésus au  désert  (Lc 4, 1 et Mc 1,12)
Christ in the desert - Maria Laughlin
http://marialaughlin.blogspot.com/
Jésus poussé par l’Esprit Saint est amené au désert, où il y jeûnera pendant 40 jours.  Après les 40 jours, le Tentateur s’avança et le soumit à l’épreuve par trois fois :

1.       « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. » Mais Jésus répondit : « Il est écrit : Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »
2.       « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu. »
3.       « Tout cela, je te le donnerai, si tu te prosternes pour m'adorer. » Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan! car il est
écrit : C'est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, et c'est lui seul que tu adoreras. »

 « Si tu es le Fils de Dieu… »
Jésus ne répond pas qu’il est ou qu’il n’est pas le Fils de Dieu.  Jésus se place à un autre niveau. Le Tentateur en disant à Jésus « si tu es le Fils de Dieu » essaie d’éveiller l’orgueil de Jésus. Celui-ci répond à chaque fois par une phrase de l’Ancien Testament, il n’accepte pas ni ne refuse le défi. Il se place tout simplement à un autre niveau. Comme un adulte à qui un enfant lui dirait qu’il est incapable de faire une telle chose.
Si Jésus avait accepté le défi du Tentateur, il montrerait que son orgueil a été atteint. En répondant par un passage de l’Ancienne Alliance, il se place avec humilité en obéissance face à Dieu le père.

« Tu n’es pas un homme si tu ne sautes pas par-dessus le ravin » 

C’est ainsi que vous pourriez lancer un défi à un compagnon : « « Tu n’es pas un homme si tu ne sautes pas par-dessus le ravin». En excitant l’orgueil de votre ami, vous espérez le voir sauter par-dessus le ravin. Les enfants se lancent des défis comme un jeu.


À la manière de Jésus, ne vous laissez pas avoir par l’orgueil lors du carême. Nous sommes poussière et nous retournerons poussière. Nous sommes tel un arbre, sans le soleil nous serions et nous resterions terre et poussière. Nous ne faisons pas ce carême afin de nous prouver que nous en sommes capables. Le principe et l’objectif de notre carême sont religieux et métaphysique. Le carême n’est pas une compétition, mais un acte de contrition volontaire.  C’est parce que nous croyons qu’il y a trop de bruits en nous que nous jeûnons. C’est que nous croyons que nos animaux intérieurs ravagent notre âme que nous jeûnons. Nous jeûnons aussi parce qu’en nous, il n’y a pas assez de place pour que la grâce de Dieu soit agissante. Nous jeûnons de multiples manières afin que notre attention et notre volonté se portent plus facilement sur la prière et la charité. Il n’y a pas que le jeûne de nourriture; il y a le jeûne médiatique, le jeûne sexuel et d’autres jeûnes sensoriels.


Finalement, ce temps du carême voulu par l’Église doit être aussi vu comme une période propice au travail sur soi. Les activités liturgiques, la lecture quotidienne des évangiles créent un cadre propice au travail sur nos habitudes.


Que ce jeûne puisse nous éveiller à de nouvelles réalités christiques.

samedi 12 mars 2011

Méditation pour le Carême : Isaïe 58 (Extraits)


Gustave Doré (La Bible Illustrée)

Depuis mercredi, les chrétiens sont entrés dans le temps du carême, à ce moment les chrétiens imitent le jeûne de 40 jours de Jésus avant dans le désert afin que nous puissions nous préparer à la Pâque chrétienne.

Selon le Dictionnaire du Nouveau Testament, le jeûne est équivalent à « humilier son âme ». Il faut comprendre que le jeûne ne doit absolument pas être vu comme une pratique de performance. Nous ne devons pas jeûner pour nous prouver que nous sommes capables de ne pas avoir besoin de nourriture pendant une journée, tout comme nous ne devons pas approcher le jeûne afin d’aider son apparence physique. Il faut éviter l’état d’esprit propre à la performance sportive. Tout comme nous devons éviter le strict ritualisme lorsque nous jeûnons. Nous ne devons pas jeûner, car l’Église nous le demande, mais nous devons le faire, car notre cœur a soif et faim de Dieu et de sa justice. Bref, le jeûne doit être fait avec un esprit de contrition et d’humiliation. C’est pourquoi que Saint Pierre Chrysologue pût dire : « Notre jeûne a froid, notre jeûne défaille, si la toison de l'aumône ne le couvre pas, si le vêtement de la compassion ne l'enveloppe pas. »

L’extrait que j’offre pour la méditation correspond à la troisième partie du livre d’Isaïe, qui a été écrit vers 530 av J-C. Lorsque la troisième partie a été écrite, les juifs reviennent par vague successive à Jérusalem à la suite de leur libération de Babylone. Mais, depuis leur exil à Babylone, les choses ont changé à Jérusalem. Certains juifs ont importé des idoles d’autres peuples, il y a aussi des non-juifs installés en Judée, d’autres Juifs reviennent et voient que leurs terres ont été prises par d’autres. Bref, les temps sont à la division dans la Cité et les scandales sont nombreux. C’est dans ces conditions qu’écrit l’auteur. Ainsi, méditons sur le jeûne avec l’aide du Prophète Isaïe :

La voie du Seigneur : « le jour où vous jeûnez, vous savez bien trouver votre intérêt, et vous traitez durement ceux qui peinent pour vous. Votre jeûne se passe en disputes et querelles, en coups de poings sauvages. Ce n'est pas en jeûnant comme vous le faites aujourd'hui que vous ferez entendre là-haut votre voix.

Est-ce là le jeûne qui me plaît? Est-ce là votre jour de pénitence? Courber la tête comme un roseau, coucher sur le sac et la cendre, appelles-tu cela un jeûne, un jour bien accueilli par le Seigneur ?
Quel est donc le jeûne qui me plaît ? N'est-ce pas faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ?
N'est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, recueillir chez toi le malheureux sans-abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ? Alors, ta lumière jaillira comme l'aurore, et tes forces reviendront rapidement. Ta justice marchera devant toi, et la gloire du Seigneur t'accompagnera. Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries, il dira : « Me voici. »
Si tu fais disparaître de ton pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante, si tu donnes de bon cœur à celui qui a faim, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi. Le Seigneur sera toujours ton guide. En plein désert, il te comblera et te rendra vigueur. Tu seras comme un jardin bien irrigué, comme une source où les eaux ne manquent jamais. Tu rebâtiras les ruines anciennes, tu restaureras les fondations séculaires. On t'appellera : « Celui qui répare les brèches », « Celui qui remet en service les routes ».

Avec la tragédie actuelle au Japon, prions afin que les victimes du tremblement de terre gardent espoir malgré la détresse. 

jeudi 10 février 2011

Simone Weil: La force et la justice


Il me manque du temps pour écrire ces jours-ci, mais je vous laisse ce texte pour réflexion.

Dans l’Enracinement, la philosophe Simone Weil utilise ce passage du Mein Kampf d’Hitler afin de montrer ce qu’implique une conception du monde dont la force est souveraine :


Hitler écrit:
 «l'homme ne doit jamais tomber dans l'erreur de croire qu'il est seigneur et maître de la nature…Il sentira dès lors que dans un monde où les planètes et le soleil suivent des trajectoires circulaires, où des lunes tournent autour des planètes, où la force règne partout et seule en maîtresse de la faiblesse, qu'elle contraint à la servir docilement ou qu'elle brise, l'homme ne peut pas relever de lois spéciales ». (Mein Kampf – Hitler)

Elle y répond :
 « Hitler a très bien vu l'absurdité de la conception du XVIIIe siècle encore en faveur aujourd'hui, et qui d'ailleurs a sa racine dans Descartes. Depuis deux ou trois siècles, on croit à la fois que la force est maîtresse unique de tous les phénomènes de la nature, et que les hommes peuvent et doivent fonder sur la justice, reconnue au moyen de la raison, leur relations mutuelles. C'est une absurdité criante. Il n'est pas concevable que tout dans l'univers soit soumis à l'empire de la force et que l'homme y soit soustrait, alors qu'il est fait de chair et de sang et que sa pensée vagabonde au gré des impressions sensibles. Il n'y a qu'un choix à faire. Ou il faut apercevoir à l'œuvre dans l'univers, à côté de la force, un principe autre qu'elle, ou il faut reconnaître la force comme maîtresse et souveraine des relations humaines aussi. 

La force n'est pas une machine à créer automatiquement de la justice. C'est un mécanisme aveugle dont sortent au hasard, indifféremment, les effets justes ou injustes, mais, par le jeu des probabilités, presque toujours injustes. Le cours du temps n'y fait rien ; il n'augmente pas dans le fonctionnement 

de ce mécanisme la proportion infime des effets par hasard conformes à la justice.

Dans le premier cas, on se met en opposition radicale avec la science moderne telle qu'elle a été fondée par Galilée, Descartes et plusieurs autres, poursuivie au XVIIIe siècle, notamment par Newton, au XIXe, au XXe. Dans le second, on se met en opposition radicale avec l'humanisme qui a surgi à la Renaissance, qui a triomphé en 1789, qui, sous une forme considérablement dégradée, a servi d'inspiration à toute la IIIe République.


Si la force est absolument souveraine, la justice est absolument irréelle. Mais elle ne l'est pas. Nous le savons expérimentalement. Elle est réelle au fond du cœur des hommes. La structure d'un cœur humain est une réalité parmi les réalités de cet univers, au même titre que la trajectoire d'un astre
.» (Simone Weil - L'enracinement)

jeudi 27 janvier 2011

Nietzsche : L’humanisme athée


Nietzsche : L’humanisme athée

« Après la mort de Bouddha l’on montra encore pendant des siècles son ombre dans une caverne – une ombre énorme et épouvantable. Dieu est mort : mais, à la façon dont sont faits les hommes, il n’y aura peut-être encore pendant des milliers d’années des cavernes où l’on montrera son ombre. – Et nous – il nous faut encore vaincre son ombre. »
Aphorisme 108 (Le Gai Savoir) – Nietzsche

« Un humaniste croit volontiers au message d'amour et de paix d'un homme appelé Jésus, mais pas à sa nature divine ni aux circonstances entourant sa conception et sa naissance […] Bien qu'il ait rejeté toute croyance fondée sur des dogmes ou la révélation divine, l'humaniste n'en proclame pas moins la grande dignité de l'homme et reconnaît sa responsabilité sociale. Les célébrations humanistes […] sont l'expression d'une vision optimiste du monde éclairé par la science et la raison, d'un monde tolérant qui se construit sans le recours à des entités surnaturelles et dans le respect des plus hautes valeurs morales. […]Oui, une spiritualité athée existe bel et bien. »  La spiritualité athée existe (Le Devoir) – Jean Délisle

«  Si Dieu n'existe pas, [...] Alors tout est permis ?» Les frères Karamazov de Dostoïevski

Dans une lettre adressée au quotidien Le Devoir, Jean Délisle,  mentionne que le message d’amour et de paix de Jésus n’est pas la propriété exclusive des chrétiens, et que plusieurs humanistes athées croient aussi volontiers à ce message, tout en niant la nature divine de Jésus, donc en la possibilité d’une vérité qui est  transcendante. Nous pourrions nous demander s’il est cohérent de croire au message de Jésus, malgré le reniement de sa divinité?

À ce propos, je soulignerais l’aphorisme 125 du Gai Savoir de Nietzsche qui souligne le caractère radical de la mort de Dieu : « Qu'avons-nous fait lorsque nous avons détaché cette terre de la chaîne de son soleil? […] Loin de tous les soleils? Ne tombons-nous pas sans cesse? En avant, en arrière, de côté, de tous les côtés? Y a-t-il encore un en haut et un en bas? ».

Comme expliqué dans mon billet précédent, Nietzsche souligne aux athées que la mort de Dieu amène la fin de tous les référents transcendants, et particulièrement tous ceux hérités du christianisme. Sans un absolu, il n’y a pas de conception absolue de la morale. Ceci ne veut pas dire que les athées ne sont pas moraux, comprenons-nous bien, mais que toute morale se réduit légitimement aux sensibilités de l’individu. C’est pourquoi que l’athéisme humanisme est un projet esthétique, déterminé par les inclinations des individus dans lesquelles ils baignent. L’humanisme de M. Bélisle n’ayant aucune fondation métaphysique pour la soutenir, elle aboutit par sa logique ne peut que se transformer en une monstruosité morale. Les valeurs chrétiennes en perdant leurs référents métaphysiques ou révélés sombrent dans le subjectivisme et le particularisme. Étant donné l’absence d’axe vertical universel pour classer les idéaux moraux, l’athéisme mène alors au relativisme moral. 

Il est vrai que l’humaniste peut croire en la paix. Mais en quelle paix croira-t-il? Il peut croire en la justice. Mais en quelle justice croira-t-il? La paix et la justice lorsqu’elles sont fondées sur une tradition chrétienne ne sont pas laïques, elles portent l’individu entier vers les cieux. La conception chrétienne de la paix et de la justice ne peut être séparée de son principe, qui est le christ. Comment un athée peut-il croire en la charité sachant que celle-ci repose sur une conception chrétienne de l’homme et de l’amour? Toutes ces vertus demeurent chrétiennes, et sans le Christ elles deviennent folles. C’est pourquoi que G.K. Chesterton écrivait: « The modern world is full of the old Christian virtues gone mad. The virtues have gone mad because they have been isolated from each other and are wandering alone ». Car sans leur principe toutes ces vertus ne font plus de sens.

Nous pouvons constater l’impact de la subjectivité dans le langage commun par les difficultés liées aux définitions; on occultera l’intégralité paradoxale de l’expérience humaine et notre langage reflétera les particularités de nos perceptions individuelles. Ainsi,  un tel s’exprimera sur la paix, mais sa paix ne se réduira qu’à son élément politique et oubliera les autres aspects de la paix. Un autre parlera de cette paix intérieure, mais il oubliera les combats politiques nécessaires afin de combattre l’injustice et la pauvreté. Bref, les mots seront définis par les particularités. Chacun pourra choisir son language selon sa lunette idéologique et académique (économie, politique, sociologique, etc).

Dans un monde humaniste athée, nos croyances se modèlent ainsi en fonction de nos sensibilités. Comment pouvons-nous alors ordonner les différentes valeurs morales s’il n’y a rien autre que des sensibilités individuelles? À moins qu’un humaniste athée veuille bien décréter un dogme humaniste pouvant servir de référent quasi constitutionnel! Ce qui éliminerait la nécessité de discuter sur du néant!

Bref, malgré la noblesse de l’humanisme athée de M. Bélisle, son projet demeure naïf. L’athéisme en reniant toute transcendance, exclut toute évaluation verticale légitime et laisse la porte ouverte à plusieurs interprétations d’un même concept selon les inclinations particulières. La conséquence c’est que les choix moraux en viennent à être soumis exclusivement à une idéologie, que celle-ci soit de type utilitariste, sentimentaliste, matérialiste, patriotique, etc.  Ces idéologies deviennent à être le fond idéologique à travers lequel on définit le "gros bon sens". Ainsi, en Amérique du Nord le fond neutre collectif se retrouve à être un mélange d'utilitarisme, de libéralisme et de rationalisme. C'est seulement sur cette base que peut se créer une discussion collective. D'où pourquoi que la politique nord américaine se retrouve de plus en plus départagée entre libéraux et conservateurs. Les deux s'entendent sur les mêmes objectifs (qui sont déclarées universelles et neutres), mais pas sur les moyens.

L’humanisme athée en niant les fondations sur lesquelles reposent les idéaux chrétiens les détruits. Il peut bien accorder du crédit à ces idéaux, en toute objectivité, ils demeurent, dans son paradigme qu’un choix parmi tant d’autres.


Afin que la substance des valeurs auxquelle on réfère ne se perd pas, il nous faut un dogme. L’Église Catholique se déclare héritière de la parole de Dieu à travers l’écriture, la tradition et l’esprit.  L'obligation de son universalité l'oblige à prendre en compte l’expérience universelle de l'humain afin de proposer une vision cohérente de la place de l'homme dans la création. En ce moment, elle l'une des rares institutions à être en mesure de donner un projet de vie global tout en respectant la personne humaine dans son intégralité.

samedi 8 janvier 2011

Niezsche: Commentaire sur l'Insensé (Aphorisme 125)

Le gai savoir : L’insensé (Friedrich Nietzsche)
« Où est allé Dieu ? s'écria-t-il, je veux vous le dire ! Nous l'avons tué, — vous et moi ! Nous tous, nous sommes ses assassins ! Mais comment avons-nous fait cela ? Comment avons-nous pu vider la mer ? Qui nous a donné l'éponge pour effacer l'horizon ? Qu'avons-nous fait lorsque nous avons détaché cette terre de la chaîne de son soleil ? Où la conduisent maintenant ses mouvements ? Où la conduisent nos mouvements ? Loin de tous les soleils ? Ne tombons-nous pas sans cesse ? En avant, en arrière, de côté, de tous les côtés ? Y a-t-il encore un en-haut et un en-bas ? N'errons-nous pas comme à travers un néant infini ? Le vide ne nous poursuit-il pas de son haleine ? Ne fait-il pas plus froid ? Ne voyez-vous pas sans cesse venir la nuit, plus de nuit ? Ne faut-il pas allumer les lanternes avant midi ? N'entendons-nous rien encore du bruit des fossoyeurs qui enterrent Dieu ? Ne sentons-nous rien encore de la décomposition divine ? — les dieux, eux aussi, se décomposent ! Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! » (Le Gai Savoir)

Psaume 14 (La Bible)
« L'insensé dit dans son cœur: " Il n'y a point de Dieu!..»

L’aphoriste 125 du Gai savoir de F. Nietzsche, dans sa traduction française, est presque une musique. Avec ses brèves questions et ses courtes affirmations, Nietzsche souligne le caractère dramatique et catastrophique de la mort de Dieu.  L’insensé avec sa lanterne allumée en plein midi crie sur la place publique, au milieu des badauds, qu’il cherche Dieu : « Je cherche Dieu! Je cherche Dieu! ». L’Insensé cherche Dieu, car il est celui qui veut créer une nouvelle étoile, il n’est pas insensible à la mort de Dieu. L’Insensé s’inquiète du nihilisme qui peut survenir. Mais voilà que la foule le regarde étonné, c’est alors qu’il saute au milieu de la foule, comme un prophète, et, à ceux qui se moquaient de lui, il leur dévoile que Dieu est maintenant mort, et que c’est nous (comprendre l’Insensé et ses compagnons) qui l ont tué.


Dans cet extrait, Nietzsche s’adresse certainement à ses compatriotes athées ou matérialistes, qui connaissent la mort de Dieu, et leur montre la conséquence de cette mort de Dieu : « … lorsque nous avons détaché cette terre de la chaîne de son soleil? Où la conduisent maintenant ses mouvements? Où la conduisent nos mouvements? Loin de tous soleils? Ne tombons-nous pas sans cesse? En avant, en arrière, de côté, de tous les côtés? Y a-t-il encore un en haut et un en bas? … Dieu est mort! Dieu reste mort! »  Cependant, les gens s’étonnent du discours de l’insensé. C’est alors que l’insensé jeta à terre sa lanterne, qui se brisa, et déclara à propos de ses compatriotes que « cet acte-là est encore plus loin d’eux que l’astre le plus éloigné – et pourtant, ce sont eux qui l’ont accompli! ».

D’après cet aphorisme, les hommes n’ont pas compris les conséquences de la mort de Dieu. Ses contemporains le regardent d’un air étonné, car ils ne peuvent pas assumer la mort de Dieu; ils croient encore à l’ombre de cet ancien Dieu. Dans un contexte occidental, l’ombre de cet ancien Dieu se retrouve être les valeurs encouragées par le christianisme : c'est-à-dire l’égalité entre les individus (l’égalité devant Dieu), la science comme dernière croyance (c'est-à-dire croyance en une vérité objective; comme la matière, les mathématiques), l’économisme ou les diverses sciences sociales (qui amèneraient un paradis terrestre), etc…

Nietzsche sent que la mort de Dieu devrait aussi ultimement mener à la mort de ces idéaux hérités des valeurs chrétiennes, mais ses compatriotes ne l'ont pas compris. C’est pourquoi que l’insensé peut dire que « cet événement énorme [la mort de Dieu] est encore en route, il marche – et n’est pas encore parvenu jusqu’à l’oreille des hommes. Il faut du temps à l’éclair et au tonnerre, il faut du temps à la lumière des astres, il faut du temps aux actions, même lorsqu’elles sont accomplies, pour être vues et entendues. » Nietzsche est conséquent et cohérent avec sa réflexion sur l’athéisme. Il est le véritable prophète de l’athéisme, et celle-ci doit mener, comme il le dit, à un renversement de toutes les valeurs judéo-chrétiennes. Sans Dieu, il n’y a plus de haut, ni de bas. Et, il n’y a plus de morales autrement que celles que nos inclinations nous indiquent de vivre... sinon, c'est que nous n'en avons pas terminé avec Dieu!